Sous couvert de modernisation de l’État, le service qui permettait de contrôler produits et services proposés aux consommateurs est en voie de démantèlement. Lundi 30 novembre, 30 % des 3 000 fonctionnaires de la Direction générale de la concurrence, consommation et répression des fraudes (DGCCRF) étaient en grève. Mais il s’agissait d’un baroud d’honneur, car après deux ans de lutte, le décret qui découpe cette administration en morceaux est paru le 2décembre 2009. Depuis début 2008, nous avons multiplié les actions de sensibilisation, les « journées mortes » dans les départements, banderoles accrochées durant des mois au fronton des bâtiments, articles dans la presse, adresses aux parlementaires, questions écrites posées au gouvernement, journées de grève nationales. En mars 2009, une montée massive à Paris des collègues a permis d’occuper le pavé jusqu’à deux pas de l’Assemblée où les ordonnances qui nous démantelaient passaient sans débat. Mais nous ne sommes qu’un des services publics que l’État fait disparaître. Une administration « de la main gauche » qui devient gênante, à qui il faut retirer son envergure nationale et son indépendance des milieux d’affaires et industriels. Dans le même temps, des animateurs TV ne tarissent pas d’éloges sur les contrôles de notre administration défendant les consommateurs contre les fraudes et les arnaques. Des ministres se flattent, devant les médias, d’agir contre la vie chère dans les DOM ou de soutenir les revendications des producteurs de lait, grâce aux contrôles des prix que notre service est censé effectuer. Les produits – mais aussi les services – que nous consommons peuvent tuer : souvenons-nous des huiles frelatées, du sang contaminé, de la vache folle, de l’explosion de l’usine AZF, des pratiques de TotalFinaElf. Ils peuvent aussi, plus simplement, nous voler ou nous léser. Jusqu’à présent, un petit service d’État veillait à l’hygiène des denrées, la sécurité des produits industriels – importés du reste du monde mais aussi fabriqués à notre porte – et déversés par palettes dans les hypermarchés. Il faisait retirer du marché malfaçons et produits trompeurs, luttait contre les escroqueries et les ententes anticoncurrentielles dans les marchés publics, saisissait le pouvoir judiciaire des pratiques méritant sanctions. Mais trop de dépenses publiques (l’indépendance a un coût), trop de fonctionnaires, ça n’est pas moderne. Le marché doit être « libre », les contrôles entravent la course au profit des entreprises et empêchent d’enterrer des affaires de corruption impliquant des politiques. Les services qui, comme la poste ou la Sécurité sociale, sont utiles à la population et représentent des conquêtes démocratiques, doivent être cassés. Alors la langue de bois bat son plein : on « modernise », on met l’« État en mouvement », on le met « au service des usagers », on donne à ses agents «des parcours professionnels enrichis». En fait de modernisation, on en revient aux fermiers généraux de l’Ancien Régime, lorsqu’on s’apprête à confier au privé jusqu’au prélèvement de taxes publiques1.Réduisant les représentants syndicaux à des potiches, le gouvernement regroupe à vitesse turbo (par ordonnances) des services divers, dilapide leurs compétences, et retire à l’État son rôle de garant de l’ordre public économique. Il le confie à des drones baptisés « Autorités », censées être indépendantes et investies, sans légitimité démocratique, de pouvoirs judiciaires, de régulation et même politique. Lesvictimes d’accidents de consommation feront des procès s’ils en ont les moyens. La population risque d’être, dans la période qui vient, la proie de metteurs en marché peu scrupuleux, familiers des pratiques déloyales, abusives ou dangereuses. Catherine Pouillon1. Exemple du projet d’éco-taxe sur le transport routier.