Après le dramatique accident ferroviaire qui a tué 80 personnes et fait plus d’une centaine de blessés en Espagne, le premier réflexe des autorités, comme de la plupart des organes de presse, a été de mettre en cause le conducteur du train et sa vitesse excessive.
Ce dernier a pourtant été remis en liberté lundi, tout en étant mis en examen pour homicide par imprudence. Il a reconnu avoir fait une erreur de jugement en confondant ce passage avec un autre où la vitesse autorisée est plus importante. Mais l’essentiel est ailleurs : des systèmes automatisés de contrôle plus performants que ceux utilisés sur ce tronçon existent pour pallier une défaillance humaine toujours possible.
La volonté clairement affichée de faire des économies sur ce chantier achevé en 2011 a primé sur le reste, et en particulier sur la sécurité, alors que les entreprises privées qui y ont participé s’en sont mis plein les poches.
De son côté, la SNCF essaye de suggérer que ça ne pourrait pas arriver en France. L’accident de Brétigny-sur-Orge vient pourtant tout juste d’avoir lieu ! Qui donc a bien pu oublier le témoignage de ce conducteur paru dans Rue 89 le 15 juillet expliquant que les cheminots depuis longtemps sur ce passage étaient convaincus qu’« un jour il y aura une catastrophe » ? La direction préfère laisser courir certaines rumeurs évoquant une « malveillance », alors que les problèmes sont bien connus par toutes celles et ceux qui travaillent, risquent leur vie parfois, mais n’ont pas droit au chapitre.
Il y a, il est vrai, une différence : à 52 ans, du fait des contraintes, du stress, de l’énorme responsabilité qui pèsent sur eux, il est encore possible pour un conducteur de prendre sa retraite en France, pas en Espagne. Mais pour combien de temps ? Pour le reste, c’est partout la même politique : moins de personnel et moins de révisions, économies de bouts de chandelle, privatisation rampante et sous-traitance en cascade…
Le fonctionnement « normal » du capitalisme en quelque sorte qui finit par avoir un prix. Insupportable.