Entretien avec Jessica, agente commerciale à Saint-Lazare.
En quoi consiste ton travail ? Comment est-il organisé ?
Je travaille à la gare Saint-Lazare depuis deux ans, aux guichets où l’on vient se renseigner et acheter les billets. L’espace de vente est organisé sur deux niveaux : au premier étage, c’est la partie « Normandie », où l’accueil s’effectue de 6 h à 22 h, et au rez-de-chaussée les autres destinations, où l’accueil s’effectue de 7 h à 21 h. Je suis à l’espace Normandie, et on travaille en 2 × 8, avec un planning sur l’année organisé par tranches de 5 semaines, ce qui permet d’avoir un peu de visibilité. Par contre les agents de réserve peuvent découvrir leurs plannings au dernier moment, et apprendre par exemple 48 h à l’avance quels vont être leurs horaires de travail les jours suivants… Je suis la dernière embauchée au statut sur mon espace de vente, et on constate une politique de réduction des effectifs, avec des départs à la retraite non remplacés, une -multiplication des CDD.
Quels sont les risques pour ton métier si la réforme passe ?
On nous explique tous les jours qu’il faut accepter de faire davantage avec moins de personnels, qu’il faut être productif, car « la concurrence va arriver » et qu’il faut donc être « compétitifs ». On sent bien la volonté d’aller jusqu’à la suppression de l’accueil physique en reportant tout sur internet et sur les bornes, alors qu’on a une vraie utilité : informer, conseiller, guider les usagers, etc. Vouloir en finir avec ce type de services, c’est vouloir en finir avec le service public.
Cette réforme, on la voit comme quelque chose qui va acter pour l’ensemble de la SNCF ce qu’ils essayaient déjà de mettre en place petit à petit, avec notamment la fin du statut, qui va accélérer la dégradation des conditions de travail, enlever les quelques garanties et protections qui existent, précariser encore un peu plus les gens et dégrader la qualité du service.
Comment se déroule la mobilisation ?
Le 22 mars dernier, je n’avais jamais vu aussi peu de personnes dans nos espaces de vente, même si j’ai connu la grève de 2016. Il devait y avoir environ 90 % de grévistes, en tout cas chez celles et ceux qui peuvent faire grève, qui ne sont pas en CDD ou intérimaires. Ils ont quand même réussi à ouvrir des guichets, en faisant venir quelques cadres, mais ils n’ont pas réussi à ouvrir les deux espaces, et ils ont dû ouvrir deux heures plus tard et fermer une heure plus tôt. On a aussi réussi la grève le 3 avril, et c’est encourageant car dans notre service il y a souvent cette impression que nous, les agents de gare, on ne joue pas un vrai rôle dans la production et que ce sont les conducteurs qui peuvent vraiment changer la donne. Donc il y a un gros travail d’explication à faire auprès des collègues. En plus il y a quelques éléments de démoralisation car on a eu beaucoup de réorganisations locales auxquelles on a eu du mal à s’opposer. Donc on est vraiment contents du mouvement tel qu’il se développe là, ça donne la patate ces taux de grévistes. Et on tente de créer un comité de mobilisation à Saint-Lazare, avec des gens des différents services, pour essayer de s’organiser tous ensemble. Après il y a des discussions sur les questions de stratégie, avec ces séries de deux jours de grève, entre lesquels on va retourner au contact des usagers, ce qui peut créer des situations conflictuelles et difficiles à gérer.