Publié le Jeudi 22 mars 2012 à 17h49.

Fiscalité : un pseudo-débat, de réels enjeux

Divers sondages sont parus, tendant tous à confirmer le désintérêt d’une forte fraction de l’électorat pour la présidentielle. Sans doute n’est-ce pas le pseudo-débat sur la fiscalité qui fera changer d’avis à ces électeurs... Sarkozy a récemment déterré un projet élaboré en son temps par Strauss-Kahn et visant à faire payer les « exilés fiscaux », ces contribuables très riches qui partent pour profiter d’une fiscalité moins élevée dans des pays tels que la Suisse. Dans la foulée, Hollande a revendiqué la paternité du projet, puis c’est l’équipe de Mélenchon qui s’y est collée : « Le plus important, c’est que c’est le Front de Gauche qui a instauré cette idée au cœur du débat, lors de cette campagne. La preuve : cette revendication populaire a été captée par les autres candidats », explique-t-on au PG. Ce n’est évidemment pas le NPA qui ira défendre le sort de ces « exilés » fiscaux. Mais on ne peut ignorer le dérisoire d’une mesure dont la faisabilité est d’ailleurs l’objet de savants débats. Les estimations de ce que rapporterait cette mesure varient selon les projets et les évaluations. Mais tous parlent de quelques centaines de millions d’euros, une somme dérisoire...

Peu avant, Hollande avait créé la « surprise » en annonçant la création d’une tranche d’imposition à 75 % pour les revenus supérieurs à 1 million d’euros en cas d’élection. Il semble que cette dernière proposition visait à endiguer la montée du soutien à Mélenchon. La réalité est que là encore, les sommes en jeu sont dérisoire, vu le nombre de contribuables concernés. Ce que Sarkozy n’a pas manqué d’indiquer, traitant au passage Hollande de « cynique ». Les enjeux réelsLa question fiscale mériterait un tout autre débat. Il faut en effet avoir à l’esprit qu’au fil des années, la pression fiscale sur les privilégiés n’a cessé de baisser. Le taux le plus élevé de l’impôt sur le revenu était encore de 65 % en 1986, de 56,8 % en 1995, de 41 % en 2011... Autre façon d’appréhender la chose : l’impôt sur le revenu s’élevait à 4,3 % du PIB en 1990. On en est actuellement à 2,5 %. Encore faut-il ajouter que cet impôt pèse relativement plus sur les classes populaires que sur les hauts revenus.

On en est rendu à un point où certains économistes de droite préconisent tout bonnement d’en finir avec l’impôt sur le revenu – son recouvrement coûterait plus qu’il ne rapporte. À l’opposé, de nombreuses voix à gauche s’élèvent contre un système fiscal de plus en plus injuste, généralement pour préconiser une fusion de l’impôt sur le revenu et la CSG (taxe à taux fixe, donc injuste).

Mais de cela, Hollande ne peut pas plus parler que Sarkozy. On a en effet appris début janvier que François Hollande ne procéderait à aucun « grand soir fiscal ».

Le projet voté la main sur le cœur par les dirigeants du PS prévoyait pourtant une réforme fiscale « en profondeur ». Mais son candidat ne se sent en rien obligé par ce projet. Dans ce contexte, il n’a plus d’autre recours que des postures plus ou moins crédibles...

Pascal Morsu