Publié le Vendredi 31 mai 2019 à 08h35.

Réforme de la fonction publique : une loi qui pue la haine des fonctionnaires et du service public

L’assemblée a adopté en première lecture le 28 mai dernier le projet de loi sur la fonction publique. Six jours pour discuter du sort de 5,5 millions de fonctionnaires et de l’avenir de toute la fonction publique. L’efficacité En Marche, c’est le rouleau compresseur qui prend de moins en moins le temps de se maquiller d’un peu de démocratie.

Les macronistes déversent toute leur haine de la fonction publique dans ce texte qui vise au démantèlement pur et simple du statut de fonctionnaire.

La loi a été adoptée avec les seules voix de LREM et du Modem. Le RN s’est abstenu : solution d’équilibriste pour un parti qui ne peut qu’applaudir des deux mains un tel démantèlement du service public, mais qui veut nous faire croire qu’il est l’opposant numéro 1 à la politique de Macron. Une partie des républicains et de l’UDI ont suivi le RN. Tous les autres partis ont voté contre le projet y compris la majorité des LR. La macronie est isolée comme jamais, mais continue d’appliquer son programme de guerre sociale.

Un « management » autoritaire

Derrière la façade usée de la « modernisation » du service public, la logique de cette loi est de casser le statut des fonctionnaires en renforçant le recours aux contractuels dans la fonction publique, en instaurant une logique de « management » dans son fonctionnement et en facilitant les licenciements.

Ainsi la loi retire aux commissions administratives paritaires le contrôle sur les mutations, l’évaluation et l’évolution des carrières : c’est le.la supérieur.e hiérarchique direct.e qui récupère ce rôle ainsi que la possibilité de prendre des sanctions contre un.e agent.e (jusqu’à des exclusions de 3 jours). Pour dégrader encore un peu plus le rapport de force en faveur de l’état-patron, la loi supprime les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) et transfère leurs compétences (mais pas leur pouvoir…) à des comités sociaux d'administration.

La précarité décuplée

Pendant ce temps l’ouverture à l’emploi contractuel s’étend jusqu’aux postes de direction. Objectif affiché : passer de 20% de contractuels à 40% d’ici la fin du quinquennat. Ce texte met donc directement en compétition le système des concours et un recrutement discrétionnaire qui nous promet un maximum de copinage. Demain on pourra prendre la direction d’un service public (un hôpital, un lycée…) sans qu’un concours permette de vérifier qu’on est la personne présentant les compétences pour le poste. De bonnes relations parmi les décisionnaires politiques seront donc plus utiles que n’importe quelle compétence.

Autre magnifique idée de nos manageurs du public : les contrats de projets permettront d’embaucher des contractuels pour des missions définies. Ces contrats à durée déterminé de 1 à 6 ans n’ouvriront pas de droit à la titularisation ni à un CDI. Dans le même temps, la rémunération au mérite – à la tête du client donc – est instaurée. 

Côté licenciements, la loi instaure la possibilité de recourir aux ruptures conventionnelles. Elle prévoit aussi de transférer automatiquement des fonctionnaires vers le privé en cas d’externalisation ! C’est bien là que le cœur du projet apparait : détruire la fonction publique en l’alignant sur le fonctionnement du privé.

La journée du 9 mai a montré que la volonté de défendre la fonction publique était largement partagée dans le pays. Pourtant la mobilisation reste très en deçà des enjeux, les directions syndicales n’organisent pas la bataille. Les mobilisations locales peinent à évoluer vers une mobilisation d’ensemble qui permettrait seule de faire plier ce gouvernement. Il faut aujourd’hui s’appuyer sur les mobilisations qui existent (écoles, hôpitaux, cheminots…), les renforcer et tout faire pour opérer la jonction dans un mouvement de grève générale de la fonction publique.

Correspondant