Pour la deuxième fois en six mois, la contre-réforme de l’assurance chômage fait l’objet d’une suspension.
La procédure engagée par sept syndicats auprès du Conseil d’État était justifiée par l’urgence à suspendre l’application du nouveau mode de calcul du salaire journalier de référence (SJR), supposé entrer en vigueur dès le 1er juillet. Dans son jugement du 22 juin, le Conseil d’État considère que « l’urgence n’est pas sérieusement contestée » ; c’était bien l’objet de ce référé-suspension. Malgré tout, le gouvernement et les commentateurs font semblant de croire que la réforme n’est repoussée qu’en raison de la « situation économique incertaine ».
Après avoir dit en novembre que la réforme entrainait une « rupture d’égalité » puisque les allocations pouvaient varier de 1 à 4 pour des périodes travaillées de même durée mais réparties différemment, le Conseil d’État met en avant un autre point en reprenant une étude de la Dares de mai 2021 qui précise que « l’alternance de périodes d’activité et de périodes d’inactivité est le plus souvent une situation subie par les salariés, qui sont rarement en capacité de négocier leurs conditions de recrutement ». Autrement dit, le Conseil d’État démonte de fait la logique d’un gouvernement qui veut faire payer la crise aux précaires et aux chômeurEs. Baisser les allocations n’oblige pas le patronat à embaucher en CDI ! Dit par le Conseil d’État, cela s’appelle « une erreur manifeste d’appréciation [qui est] de nature à créer un doute sérieux sur la légalité » du décret.
Poursuivre la mobilisation
Cette décision est bien sûr une victoire à mettre sur le compte de la mobilisation initiée le 4 mars avec l’occupation des lieux culturels. Cette décision doit aussi être un point d’appui pour obtenir le retrait de la réforme dans son ensemble, et notamment la condition de six mois de travail pour ouvrir des droits, qui avait privé d’allocations 20 000 personnes par mois dès novembre 2019.
La ministre du Travail, Élisabeth Borne, a déjà annoncé que les règles actuelles seraient prolongées jusqu’au 30 septembre. Mais le gouvernement veut faire passer la modification du calcul du SJR sans attendre le jugement sur le fond prévu dans trois à quatre mois.
Un des acquis de cette mobilisation est d’avoir permis de remettre au centre la question de l’assurance chômage. Cette question doit être prise en charge par le mouvement ouvrier, et pas seulement pour faire des recours en Conseil d’État.
Malheureusement, on ne peut pas dire que depuis juillet 2019 (date du décret Pénicaud) les confédérations aient organisé la mobilisation. Le mouvement démarré le 4 mars a donc relancé les choses, notamment avec la manifestation du 23 avril, organisée contre l’avis des directions syndicales.
Manifestations, occupations, actions diverses : c’est tout cela qui a contribué à mettre en difficulté la réforme. L’objectif doit maintenant être de la faire abroger définitivement.
Les liens créés depuis mars 2021 entre les occupantEs des lieux culturels, les collectifs d’intermittentEs, de l’emploi (restauration...) et associations de chômeurEs seront précieux dans cette perspective.