Il est clair que l’ambiance de ces derniers mois nous complique la vie militante. Du fait de la crise sanitaire, depuis septembre, donc bien avant le début du « reconfinement » nous n’avions déjà plus accès à des salles pour faire nos assemblées générales du collectif Bordeaux en luttes (BEL) et pas non plus pour organiser des réunions publiques avec les habitantEs dans les quartiers ou centralement.
Ce qui nous apparaissait comme essentiel, à savoir rendre compte de notre activité au sein du conseil municipal auprès des gens, dans des sortes d’assemblées larges de manière à faire remonter revendications et besoins lors d’échanges en direct, s’avère pour le moment (mais pour combien de temps ?) impossible à réaliser.
Comme si la misère ne pouvait pas pénétrer l’instance
Du coup, notre action se résume à notre rôle d’éluEs, dans les conseils et commissions, sans lien ou très peu avec la population, au-delà de notre entourage. Il nous reste quand même les liens militants avec les associations ou collectifs qui se mobilisent dans l’aide aux sans-abris et aux réfugiéEs par exemple.
C’est ce qui nous avait permis d’organiser un rassemblement de protestation contre la politique préfectorale d’expulsion des squats, en plein rebond des contaminations, pile au moment de la trêve hivernale. L’initiative a été organisée à l’entrée du Conseil de Bordeaux Métropole, là où se trouvent les 28 maires de la métropole.
Une cinquantaine de personnes s’est mobilisée devant et, à l’intérieur, nous avions demandé qu’une délégation puisse prendre la parole (ce qui a été refusé). Du coup, nous sommes intervenus, pour dénoncer la préfecture, demandant que les collectivités territoriales agissent pour empêcher les expulsions et pour trouver des solutions de relogement d’urgence aux familles et personnes jetées dehors.
Ça fait bizarre de dire ces choses dans ce genre d’assemblées d’éluEs : ça résonne dans le vide, un peu comme si ce n’était pas entendu, car il n’y a eu aucune réponse, aucune discussion, ni de la droite (au moins pour défendre la préfecture) ni de la gauche. Rien. Juste comme une interruption de leurs travaux. C’est comme si la misère humaine ne pouvait pas pénétrer l’instance.
C’est d’ailleurs l’impression que nous avons à chaque fois qu’il est question de problèmes sociaux, de précarité, d’inégalités… tout ce qui vient d’en bas semble ne pas atteindre tout ce beau monde. En tout cas, quel silence.
S’occuper nous-mêmes de nos affaires
Ce monde institutionnel, cette démocratie spéciale, est habituée à mettre à l’ordre du jour et au vote des dizaines de délibérations par séance, administratives, techniques, gestionnaires et sûrement pas politiques. Ce qui donne ce sentiment, qui est une réalité, de déconnexion avec la vie de la population.
Alors dès qu’on aborde un sujet grave comme une usine qui ferme, une expulsion de familles sans papiers, des écoles qui manquent de personnel, la précarité parmi les salariéEs de la ville, une absence d’aires d’accueil pour les gens du voyage, une radio publique et culturelle comme FIP qui est programmée à la fermeture, on peut dire que ça calme les ardeurs verbales des petits politiciens locaux.
Les séances sont filmées, ce qui permet de visionner ce genre de séquences. C’est important à raconter, à savoir. D’ailleurs, notre rôle essentiel, pour le moment, après nos interventions dans les « parlements » bordelais et métropolitains, c’est de faire des comptes rendus. Avec l’objectif principal de donner envie autour de nous de faire de la politique nous-mêmes, de nous occuper de nos affaires pour ne pas les laisser entre les mains de ces éluEs qui pensent surtout à eux ou à leur milieu social bien moins populaire et défavorisé que le nôtre.
C’est pour cela que même dans les moments où on se sent seulEs et pas du tout chez nous dans ces instances (et c’est souvent), nous restons convaincus que nous pouvons faire entendre beaucoup de choses au-delà des bancs de ces assemblées.