Publié le Vendredi 3 juin 2016 à 11h43.

Bouches-du-Rhône : Le mistral de la lutte va-t-il se renforcer et tout emporter ?

Depuis 2010, la mobilisation n’a jamais été aussi forte sur Marseille et la région. Ici comme ailleurs, le sentiment est qu’avec la loi El Khomri, le gouvernement PS-MEDEF a peut-être poussé le bouchon un peu trop loin !

Et tout particulièrement depuis le passage en force à coup de 49-3, la mobilisation s’étend dans l’ensemble de la région.

Sous la pression d’une base exaspérée qui s’était déjà fortement exprimée lors du congrès de l’UD CGT 13 en février dernier, le congrès confédéral CGT tenu à Marseille en avril a adopté un appel à la grève interprofessionnelle reconductible. À des degrés divers, avec certes beaucoup de nuances, mais de façon nette, la lutte des classes reprend peu à peu ses droits.

« Forces de l’ordre » VS « bastions »

La dernière bourde du gouvernement a été l’intervention musclée des gendarmes mobiles pour débloquer le site pétrolier de Fos-sur-Mer, suivie de l’encerclement à grand renfort de lacrymogène de l’union locale CGT où s’étaient réfugiés les militantEs coursés par les flics...

L’état d’urgence mis en place en novembre révèle ainsi au grand jour sa véritable fonction : mettre au pas le monde du travail. Mais le résultat ne s’est pas fait attendre : l’ensemble des raffineries du pays étaient en grève dans la journée, ainsi que la quasi-totalité des boîtes de la zone de Fos-sur-Mer.

Les « bastions » sont bien sûr présents dans le combat : réparation navale, port, pétrochimie, centrale de Gardanne, Ascométal, reconduisent régulièrement la grève. Même la RTM (Régie des transports marseillais), échaudée comme bien des secteurs par ses défaites des années précédentes, revient dans la lutte. D’autres préavis sont régulièrement posés, aux chèques postaux, chez les territoriaux, chez les dockers...

Comme cela avait été réclamé par la base, la CGT organise depuis peu occupations (bureaux de la Commission européenne, Air France) et blocages. Après les raffineries, c’est aussi le tour de centres commerciaux ou plateformes de distribution sur les villes du département, avec la participation de syndicalistes CGT, mais aussi de Solidaires, ainsi que celle de militantEs politiques (NPA, JC, PCF...).

La campagne anti-CGT conduit aux drames...

Côté gouvernement, le fait nouveau est donc la multiplication des violences policières. Déjà à plusieurs reprises, les « forces de l’ordre » (bourgeois) avaient fait preuve d’une violence aggravée contre les jeunes à l’issue de manifestations. Mais jeudi 26 mai, la campagne haineuse menée par Valls contre les militantEs CGT a débouché sur des drames : à Fos, proférant sa haine sociale (appel aux flics à leur « tirer dessus » !), un automobiliste a forcé un barrage et grièvement blessé un syndicaliste CGT, toujours entre la vie et la mort au moment où ces lignes sont écrites. Dans le même temps, à Vitrolles, un camion forçait lui aussi un barrage, faisant deux blessés.

Du côté de l’intersyndicale, et malgré des tactiques un peu hésitantes, la fragile « unité » (CGT, FO, FSU, Solidaires, UNEF, UNL) semble tenir le coup et exige toujours le retrait de la loi. Mais même si FO est à l’heure actuelle toujours dans le camp du refus de la loi, il est permis de se demander ce que sera son attitude si Valls venait à lâcher du lest pour fissurer l’unité syndicale. Cela d’autant plus que FO 13 n’est pas à proprement parler un modèle de syndicalisme « lutte de classes »...

Fédérer l’ensemble des formes de contestation et de lutte

Du fait de son poids particulier sur le département, d’une façon ou d’une autre, la clé de l’action et de ses formes est entre les mains de la CGT. Ainsi, concernant les perspectives pour le mois de juin, la CGT avait proposé de ne pas attendre la manifestation nationale du 14 juin à Paris, et souhaitait (avec le soutien de Solidaires) une action dès ce 2 juin. L’intersyndicale n’ayant pas suivi, la CGT appellera seule à cette action, sans doute avec la participation de Solidaires. Enfin, à côté de la préparation de la manifestation nationale, des initiatives locales seront aussi organisées pour permettre à celles et ceux qui n’iront pas à Paris de se mobiliser quand même. Il est bien sûr du devoir des syndicalistes de lutte d’appuyer toutes ces actions, et ce, dans tous les secteurs, pour travailler à élargir encore et toujours la mobilisation.

Parallèlement à tout cela, le mouvement Nuit debout continue ses occupations de rue, organisant des assemblées de débat où se côtoient toutes sortes de militantEs souvent non encartés, et qui par ce moyen, font l’expérience de nouvelles formes de lutte.

La question des rapports parfois difficiles entre celui-ci ou le groupe « 13 en lutte » et la CGT est parfois l’occasion de débats pas vraiment fraternels. Pourtant, l’intérêt du mouvement est bien de réussir à fédérer l’ensemble de ces formes de contestation et de lutte contre la loi travail : manifestations, grèves, occupations, blocages.

Encore du chemin à parcourir, mais la victoire est peut être à portée de main. Une victoire, enfin !

Jean-Marie Battini