La crise de la CGT d’Air France connaît une aggravation, avec l’exclusion de huit militants de la section d’Orly-Nord.Ce que la direction voulait, la CGT d’Air France l’a fait, en excluant huit camarades dans le centre de maintenance des avions qui regroupe 3 000 salariés et 600 sous-traitants à Orly (Val-de-Marne). La crise couvait depuis plusieurs années en raison du tournant pris par la CGT d’Air France vers un syndicalisme d’accompagnement et le refus de tout affrontement, oubliant les grandes luttes qui ont fait le renom de la CGT à Air France (1988, 1993). Il y eut d’abord, en 2006, la signature d’un accord secret de la CGT d’Air France avec la direction de l’entreprise à la suite d’un conflit de plusieurs semaines où des centaines de salariés avaient lutté de façon inédite, faisant leur travail mais refusant de le signer puisque la direction ne voulait pas les augmenter. Confronté à une menace bidon d’amende de 460 000 euros, le bureau national avait signé un accord. En janvier 2008, lors d’un conflit pour les salaires, la section d’Orly-Nord a mené deux actions, regroupant 200 salariés puis 300. Le mouvement affichait sa détermination et s’inscrivait dans la durée, les jeunes mobilisés se reconnaissant dans un syndicalisme de lutte. L’action a alors été cassée par la signature précipitée par le syndicat national CGT d’un accord salarial n’attribuant qu’un peu plus que l’inflation pour les bas salaires et l’indice Insee pour les autres. Les jeunes mobilisés ont alors été traités de hooligans et la section d’irresponsable. Au Comité central d’entreprise (CCE), les délégués CGT ne se sont pas opposés à la création de Transavia, une filiale low-cost qui a repris des lignes d’Air France et en a sous-traité l’entretien à des salariés sous-payés. Au comité d’établissement, les élus CGT ont accepté la création d’une filiale au Maroc, chargée du grand entretien de l’A320. Un syndicalisme perverti, où certains confondent militantisme et avantages personnels (prime au secrétaire du CCE, billets à tarifs réduits, etc.), s’est développé sous l’œil complaisant de la DRH et avec un accord tacite entre le bureau national CGT d’Air France et la direction de l’entreprise. Certains font ainsi une brillante carrière (promotions accélérées au statut de cadre) alors que les militants combatifs connaissent retards de carrière et retraits sur salaire. La direction accepte les permanents, alors que d’autres militants sont fliqués par la DRH pour activisme syndical. Certains syndicalistes ont droit à des préretraites individuelles, quand l’ensemble de leurs collègues, qui ont fait leur carrière avec des horaires difficiles (3x8, produits toxiques, etc.) sont obligés d’attendre plus de 60 ans pour partir. La direction industrielle comporte cinq sections locales CGT, correspondant aux sites d’Orly-nord, Orly-sud, Le Bourget, Toulouse, Roissy. La direction a exigé la mise au pas de ces sections de base avec l’idée d’une section unique en juin 2009. En échange de moyens (billets d’avion) et de postes de permanents supplémentaires, elle obtient du Bureau national CGT la fusion des cinq sections en une seule. Les sections les plus combatives, Le Bourget et Orly-Nord, ont refusé leur dissolution mais ont été mises en minorité par un congrès bureaucratique, auquel elles ont refusé de participer. Le congrès terminé, les coups se sont mis à pleuvoir. Pendant ses congés, le secrétaire de la section d’Orly-Nord a perdu son mandat, l’apprenant par un courrier du DRH adressé à la hiérarchie locale : « Monsieur X ne bénéficiera plus du statut de salarié protégé en cas de licenciement. [Le DRH] souhaite avoir un point régulier écrit de sa présence et de sa prestation ». Et, pour un autre dirigeant de la section : « aucune disposition spécifique liée à la création d’une section unique de la CGT ne le concerne, en conséquence, aucun dépassement de ces heures ne saurait être toléré ». Une motion de protestation a été votée par tous les élus et tous les syndicats, sauf… ceux de la nouvelle section unique CGT. Grâce au soutien des salariés, un collectif de défense de la section CGT d’Orly-Nord a maintenu ses activités : tracts, luttes, revendications auprès des délégués du personnel. Ils ont contraint la direction à accorder des départs anticipés pour les fêtes de fin d’année, empêché un licenciement par un débrayage et mobilisé pour l’embauche des intérimaires. C’en était trop pour la direction, qui a obtenu de la CGT le renvoi des huit camarades. Cette attaque a provoqué de la sympathie pour les exclus de la grande majorité de leurs collègues. Il a été décidé de créer une association de défense des salariés, qui comporte déjà plus d’une dizaine de délégués du personnel et des élus dans tous les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). La bataille continue dans la CGT, pour l’annulation de cette exclusion. Elle se mène aussi à l’extérieur, avec la syndicalisation possible de nombreux autres salariés qui ne veulent pas laisser faire cette forfaiture. L’accompagnement de la décision de suppression de 4 100 postes dans la compagnie nécessite un syndicalisme docile, tout comme le blocage des salaires et le rallongement du temps passé au travail. Mais les ouvriers combatifs ne sont pas faits de ce bois-là. Correspondant