Avec un Valls de plus en plus chaussé en Clemenceau, la haine patronale et gouvernementale se concentre sur la CGT et son secrétaire général Philippe Martinez.
Pas un jour sans que ces attaques ne s’étalent à grand renfort de médias. Une pression qui peut aussi peser sur les positionnements de la centrale syndicale.
Acharnement
C’est ainsi qu’à la veille du match France-Roumanie qui a ouvert l’Euro, des journalistes zélés sont allés chercher une intervention de Martinez au congrès de l’UD CGT du Loiret disant que : « Je ne suis pas sûr que bloquer les supporters soit la meilleure image que l’on puisse donner de la CGT. » Déclaration malencontreuse la veille du jour où les cheminotEs préparaient une grève massive, y compris sur la ligne du RER desservant le Stade de France le jour du match France-Roumanie. Une citation qui tournera en boucle l’après-midi et la soirée mais qui a disparu des écrans et des premières pages dès le lendemain.
Depuis, Valls et Hollande ont continué avec acharnement à dénoncer la volonté affichée de la CGT de combattre la loi travail dont ils n’envisagent pas de changer la moindre virgule. Mais le gouvernement est passé à une nouvelle phase avec le honteux amalgame fait entre le caillassage de l’hôpital Necker, la casse de panneaux publicitaires et de devantures de banques, et la riposte légitime du service d’ordre de la CGT face aux attaques des flics.
Le tout sert évidemment d’arguments à la volonté d’interdiction des prochaines manifestations. La réponse de l’intersyndicale est claire : les appels à manifester le 23 juin sont maintenus en réponse aux exigences du gouvernement de se limiter à des « rassemblements statiques » !
Attention reculs !
Mais ces pressions, ces violentes agressions semblent peser sur les positionnement de l’intersyndicale, et plus particulièrement sur ceux de la CGT. C’est ainsi que l’on peut s’interroger sur le sens des propositions faites par la délégation de la confédération reçue par El Khomri vendredi dernier.
En effet, jusqu’à présent, la juxtaposition de l’exigence du retrait du projet de loi, de la suspension des débats au Parlement ou dernièrement du retrait de la « colonne vertébrale du projet de loi », étaient parfaitement compatibles avec le développement de la mobilisation, tout comme le décorticage des différents articles et la dénonciation même parfois limitée à certains d’entre eux.
Mais les propositions faites dans le cadre du « code du travail du 21e siècle » proposent de limiter les enjeux à « porter à la discussion les articles du projet de loi qui structurent à eux seuls l’intégralité du texte », valident des Commissions paritaires régionales interprofessionnelles (CPRI) des Très petites entreprises (TPE), consultatives, instaurées par la loi relative au « dialogue social et à l’emploi » de 2015.
Mais, surtout, cela entérine la logique de l’article 2 : « Les accords d’entreprise seront négociés dans les limites fixées par la branche et devront alors être validés par les OS majoritaires. Soit les entreprises souhaitent obtenir des dérogations au cadre fixé par la branche, dans le respect des limites légales. Auquel cas, la demande sera adressée à la Commission de branche, celle-ci devra effectuer un contrôle en légalité mais aussi en opportunité c’est-à-dire vérifier que les concessions réciproques sont équilibrées, que le contexte économique et social justifie une telle dérogation, qu’il n’y a pas d’atteinte à la santé des salariés. Pour cela, les membres de la commission de branche doivent avoir accès aux données économiques, pouvoir se faire assister d’experts (création d’un droit d’expertise au niveau de la branche) et disposer d’une assistance juridique en plus de leurs moyens habituels de fonctionnement. » Des gardes-fous administratifs, technocratiques et juridiques, dont on connaît les limites et la précarité...
Ne rien lâcher !
Et en guise de conclusion, une « refonte totale du code du travail, prévue par le projet de loi, doit procéder de la même articulation », refonte qui s’inscrit dans le projet de ramener le code plutôt vers le 21e siècle que vers le 20e.
Ces propositions qui tendent à effacer les votes du 51e congrès, ne bénéficient d’aucune légitimité dans la mesure où aucune structure de la confédération (CCN, UD et FD) n’a été sollicitée pour avis. Elles sont en recul sur ce que crient les manifestantEs : « ni négociable ni amendable, retrait de la loi travail ! », et donnent le sentiment d’une anticipation du déclin du mouvement.
Mais face à un gouvernement qui fait de l’intransigeance et de la répression ses marqueurs, ces propositions pour une reprise du dialogue social ne sont certainement pas la meilleure voie pour le faire reculer.
Robert Pelletier