Publié le Samedi 3 décembre 2016 à 06h00.

CGT : Une loi qui travaille les esprits

La mobilisation contre la loi travail avait impacté le 51e congrès confédéral CGT. Le contexte avait permis de faire passer au second plan la tempête provoquée par les « affaires » Lepaon. Coincée entre un gouvernement décidé à aller au bout de l’affrontement et une base tout aussi déterminée, la direction confédérale fut contrainte d’adopter une ligne comprise largement comme combative.

Cependant, cet affichage n’a pas été en accord avec sa mise en œuvre au fil de la lutte. Ce furent notamment les tergiversations au début de la mobilisation (calamiteuse déclaration unitaire) ou les propositions (rejetées par le gouvernement) de reprise du dialogue social fin juin.

Mais a surtout pesé le refus de la confédération de pousser à une coordination des journées de grèves des différentes fédérations ou syndicats nationaux : raffineurs, dockers, éboueurs, etc. partant en ordre dispersé et donc isolés, chacun leur tour. Ce à quoi s’opposait le « Tous ensemble mobilisons-nous... même jour, même heure, même endroit ! » de la CGT Goodyear, avec justement, un soutien timoré aux syndicalistes de Goodyear.

Et la molle reprise de la mobilisation autour de la seule initiative du 15 septembre dernier laisse un goût amer de repli sur la seule bataille des élections dans les TPE.

Volontés d’en découdre

C’est dans ce cadre que se sont tenus, entre autres, trois congrès d’Union départementales importantes : Nord, Gironde et Paris. Dans les trois cas, les discussions sont parties de la mobilisation contre la loi travail, avec des bilans d’autosatisfaction présentés dans le Nord et en Gironde, plus mesuré à Paris. Dans les deux premiers cas, les discussions ont été tendues. En Gironde, cela a même débouché sur la mise au vote d’un amendement (rejeté par 75 contre 58) disant notamment : « L’UD doit chercher à travers toutes les luttes locales à renforcer la conscience de classe des salariés, à redonner confiance aux salariés en leur propre force collective, à défendre l’idée que ce n’est que par la mobilisation que l’on obtient des choses et aider à la convergence des luttes en cours. Faire que chaque lutte devienne une expérience pour tous : apprendre des mobilisations où ce sont les salariés eux-mêmes qui décident démocratiquement de leur lutte et en décident l’issue. Pour faire face aux attaques à venir, la CGT doit être capable de proposer un plan de bataille global à l’ensemble des salariés. Ce n’est en effet pas entreprise par entreprise que nous gagnerons ».

Dans le Nord, cela s’est soldé par le vote largement majoritaire d’un texte d’orientation contradictoire à celui de la direction sortante qui réaffirme : « L’Union départementale des syndicats CGT du Nord propose, à terme, le dépassement révolutionnaire du capitalisme. Dans l’immédiat, elle propose la nationalisation des moyens de productions des produits de première nécessité… et des secteurs stratégiques pour le pays et aussi la nationalisation du système bancaire, du crédit et de l’assurance avec droit de regard et de gestion par le peuple pour de véritables choix d’investissement dans le système productif. Elle revendique également la nationalisation des entreprises qui ferment ou délocalisent… le renforcement des services publics afin qu’ils apportent une véritable réponse aux besoins sociaux. Seules les luttes sociales, moyen le plus efficace pour modifier les choix patronaux et gouvernementaux, peuvent imposer une autre répartition des richesses créées par les seuls travailleurs. »

À Paris, de manière moins conflictuelle, a été votée une déclaration disant : « Il convient de confier le mandat au nouveau secrétaire général de l’UD, qui sera présent lors du CCN des 15 et 16 novembre, de porter la ferme volonté d’une journée d’action interprofessionnelle rapide qui relance une vraie dynamique de mobilisation dans l’unité la plus large possible pour exiger l’abrogation de cette loi... »

Des directions contestées

De Bordeaux à Lille, les débats ont marqué la volonté de poursuite, de renforcement de la mobilisation contre la loi travail et une amplification de la riposte contre les sanctions, condamnations prises à l’encontre des militants syndicaux. Dans un climat interne qui va du consensus à Paris1 à la mise en difficulté de la direction sortante en Gironde (ses textes ont obtenu 76,9 % pour le bilan et 65,3 % pour l’orientation, la secrétaire départementale sortante étant la plus mal réélue avec 64,2 %), en passant par le remplacement de la direction sortante de l’UD du Nord (direction historiquement proche de la direction confédérale) par une équipe plus combative, s’appuyant sur les leçons de la mobilisation contre la loi travail.

Des évolutions au niveau des structures géographiques qui, en marquant leur retour en force dans les mobilisations, pointent les difficultés dans les structures professionnelles et peuvent influer sur les positions d’un Comité confédéral national dans le collimateur de la direction confédérale depuis le référendum sur le Traité constitutionnel européen en 2005 et la mise en cause de Thierry Lepaon.

Robert Pelletier

 

  • 1. Consensus à peine troublé par la radiation largement justifiée du syndicat CGT de la Propreté de la région parisienne de l’Union départementale CGT de Paris, radiation votée à bulletin secret par 87 %.