Les pseudos pigeons ont obtenu en trois jours un recul du gouvernement de plusieurs centaines de millions d’euros. Du coup, pourquoi se gêner ? Là, ce sont les gros vautours qui montent à l’assaut. Les patrons de l’Association française des entreprises privées (Afep), qui regroupe la quasi totalité du CAC 40 et des grandes entreprises françaises, ont exposé dimanche 28 octobre leurs revendications dans une lettre à François Hollande. Et là, l’enjeu est majeur : derrière le discours sur la compétitivité, il s’agit d’imposer une baisse du prix du travail en une seule étape.
Parmi leurs propositions, il y a une baisse des cotisations sociales employeurs de 30 milliards d’euros et une forte réduction de l’impôt sur les sociétés (alors que ces grandes entreprises y échappent largement : les sociétés du CAC 40 ne payent qu’au taux de 8 %). Qui va compenser ? C’est simple, les salariés et la grande masse de la population à travers un relèvement de la TVA et 60 milliards d’économies sur les dépenses de l’État (et on peut parier que ce n’est pas sur les subventions aux entreprises). Enfin cerise sur le gâteau, les grands patrons estiment qu’il faut exploiter les gaz de schiste et « rester pragmatique » dans la mise en œuvre de la transition énergétique.
Pacte de compétitivité
Comme le signalent les Échos, jusqu’à présent, ces grands patrons avaient toujours préféré les contacts discrets. Plusieurs déjeuners et dîners ont réuni François Hollande et certains d’entre eux ces derniers mois. Pourquoi alors porter le débat sur la place publique ? C’est parce qu’ils veulent marquer un point décisif dès maintenant.
Au départ, un rapport avait été confié au patron « de gauche » Louis Gallois. Le gouvernement comptait sur un texte adapté pour camoufler les concessions au patronat avec un discours pseudo-objectif sur la compétitivité. Erreur tactique : Gallois multiplie les déclarations tonitruantes et des fuites montrent qu’il reprend ouvertement les thèses du Medef sur les salaires, les dépenses, les impôts à augmenter, etc. Du coup, ça commence à couiner du côté syndical et même dans le PS. Hollande intervient jeudi 25 octobre pour fixer la ligne : il y aura un « pacte » de compétitivité de l’économie française qui ne sera pas un « choc », mais s’inspirera bien des conclusions du rapport Gallois. Il a ainsi a précisé que tout transfert des cotisations sociales sur la fiscalité ne pourrait se faire brutalement (traduction : on va bien augmenter la CSG ou la TVA, mais pas d’un seul coup). Il a aussi confirmé que, quelles que soient les difficultés financière, les mesures fiscales favorables au patronat étaient garanties (« sanctuarisées ») et que de nouvelles étaient à l’étude.
Le « gagnant-gagnant », ça n’existe pas
En fait, l’objectif de Hollande, c’est d’intégrer les syndicats à un grand marchandage à froid dans le prolongement de la Conférence sociale de juillet. Il a dit qu’il souhaitait un « compromis historique », un accord « gagnant-gagnant », « donnant-donnant ». Tout ça, c’est, bien sûr, surtout du vent, mais le patronat veut « tout, tout de suite ». Pas un jour où ne sortent des statistiques plus ou moins manipulées sur le coût du travail en France, sans que personne ne parle des dividendes records que s’octroient les actionnaires (9 % de la valeur ajoutée des sociétés non-financières, du jamais vu depuis 1949 selon l’Insee).
Au dernière nouvelles, le rapport Gallois sortira le 5 novembre, de premières mesures seront annoncées le 6 novembre et un plan d’ensemble en janvier. Le patronat est en ordre de bataille. Et les directions syndicales ?
Henri Wilno