Le 8 juillet 2019, le tribunal de Nanterre condamnait La Poste pour prêt illicite de main-d’œuvre (c’est-à-dire le fait d’employer des sous-traitants pour assurer des tâches qui devraient être assurés par ses propres salariéEs) et délit de marchandage (la situation de désavantage, pour les sous-traitances, du fait de cet usage abusif). C’était une première dans l’histoire postale, confirmée en appel le 30 septembre dernier.
La procédure avait été lancée suite au décès, en 2013, d’un salarié sous-traitant. Seydou Bagaga s’était noyé en essayant de rattraper un colis tombé dans la Seine. Il n’avait ni contrat de travail ni salaire, et sa déclaration d’embauche avait été saisie en urgence à l’agence d’Issy-les-Moulineaux, alors qu’il était entre la vie et la mort.
Claque judiciaire pour La Poste
Outre le patron de la société sous-traitante et le directeur de l’agence, condamnés à de la prison avec sursis, La Poste, en tant que personne morale, avait été condamnée à 120 000 euros d’amende, soit presque la peine maximale.
Loin d’en tirer des leçons et de modifier ses pratiques, l’entreprise a fait appel. Bien mal lui en a pris, la cour d’appel de Versailles a confirmé la condamnation en reprenant l’ensemble des attendus du jugement en première instance, même si l’amende est ramenée à 60 000 euros. C’est une nouvelle claque judiciaire pour La Poste, et un point d’appui dans la bataille contre une sous-traitance qui s’est largement généralisée, en particulier dans le secteur du colis, où 80 % de la distribution est sous-traitée en Île-de-France.
L’État complice
Les dirigeants de La Poste n’en n’ont d’ailleurs pas fini sur ce terrain. Une instruction est en cours, concernant l’ensemble des agences d’Île-de-France sur la période 2012-2017. Sud et la CGT sont parties civiles dans cette affaire. Mais il faut également noter que, malgré ces condamnations, malgré les multiples alertes syndicales, malgré la lutte gagnante des travailleurs sans-papiers de Chronopost victimes d’un véritable système de sous-traitance en cascade, La Poste se croit encore tout permis. L’absence de réaction de l’État, symptôme en réalité d’un soutien sans faille, l’y autorise. Pour changer la donne, les victoires judiciaires devront s’accompagner d’un rapport de forces sur le terrain, avec la mobilisation de l’ensemble des postierEs, quel que soit leur statut.