Le 50e congrès de la CGT à Toulouse s’inscrit dans une contexte particulier : un gouvernement de « gauche » auquel la direction confédérale n’a pas ménagé son soutien et qui en quelques mois a réussi à susciter un tel mécontentement que le secrétaire général sortant ne peut faire autrement que d’exprimer son désenchantement. Sous le précédent quinquennat, la direction confédérale avait semé la confusion en refusant de s’affirmer comme un adversaire systématique de Sarkozy, et en participant à la législation sur la représentativité syndicale. La deuxième phase fut plus classique avec la construction de la mobilisation contre l’austérité, puis avec la lutte contre la réforme des retraites. Au total, les grandes options de la politique confédérale furent mises en difficulté : le syndicalisme rassemblé – l'axe CGT-CFDT – débouchait sur l'échec de la mobilisation sur les retraites et les restructurations internes engagées depuis le début des années 2000. Résultat, la succession du secrétaire général qui traditionnellement s’opère sans difficulté est devenue un enjeu politique trop souvent présenté comme une simple querelle de personnes. En fait, cette bataille reflétait les questions non résolues en interne et les échecs de la stratégie. Thierry Le Paon s’est trouvé être le candidat des moindres désaccords. Les grandes fédérations escomptent qu’il modère les projets de restructuration interne mettant en cause leurs prérogatives. Mais les problèmes politiques auxquels se trouvent confrontée la CGT ne pourront rester sans réponse. Aucun cadrage politiqueÀ l'ouverture du congrès, le discours inaugural soporifique du nouveau secrétaire entretient toutes les ambiguïtés sur le rapport au gouvernement et la stratégie syndicale. La dénonciation des réformes de la fonction publique et notamment de l’hôpital, est la seule partie à susciter des applaudissements significatifs. Les mobilisations phares de ces derniers mois sont évoquées positivement et même soutenues, en paroles : « ce n’est pas Taylor (patron de Goodyear) qui ne veut pas de nous, c’est nous qui ne voulons pas de lui ». Mais elles ne sont pas présentées comme axe d’une stratégie. La riposte à construire contre la validation parlementaire de l’ANI sur la flexisécurité illustre ces atermoiements : une opposition verbale mais pas de construction réelle de la mobilisation. La poursuite de la politique du dialogue social, de la volonté réaffirmée d’un syndicalisme rassemblé sans programme sont des impasses. La mise en avant des contre-projets industriels, la mise au centre de la question du travail, du concept de sécurité sociale professionnelle et du nouveau statut du travail salarié, ne sauraient servir de stratégie. Une demande de radicalitéLes interventions sur le rapport d’activité montrent que ce vide est largement perçu. À l’applaudimètre, les interventions dénonçant radicalement le gouvernement, reprenant les mots d’ordre de nationalisation, de rejet total du projet de loi découlant de l’ANI, l’emportent largement. La mise en cause du syndicalisme rassemblé, jusqu’au refus de se reconnaître dans la dénonciation de la destruction d'un drapeau de la CFDT, remporte un franc succès : « Il est moins grave de brûler le drapeau d’une organisation syndicale traître que de brûler le Code du travail comme l’a fait cette organisation ». L’annonce d’une journée d’action contre la légalisation de l’ANI symbolise une impuissance qui ne répond pas aux exigences des congressistes et pourrait finir par passer pour de la complicité. La violence sociale réfractée par les militantEs ne peut se satisfaire de cette tiédeur revendicative et politique. Robert Pelletier
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