L’image est frappante : des files d’attente, dans les quartiers populaires, dignes des pays du bloc de l’Est au temps du stalinisme. L’accueil des personnes touchant les allocations sociales (RSA, CAF…) mis en place par La Poste a été tout simplement indigne. Elle est là, la réalité, bien plus que dans les propos des dirigeants de l’entreprise qui n’ont, depuis le début de la crise sanitaire, que la continuité du service public à la bouche.
Au-delà des zig-zag d’une direction qui agit sous le coup de pressions diverses (réduction de la voilure sous pression des agentEs et des équipes syndicales combatives, reprise partielle sous pression des patrons de presse, relayés à la fois par le gouvernement et le nouvel actionnaire majoritaire – la Caisse des dépôts et des consignations), il y a bien une ligne claire du côté du siège de La Poste : garantir les profits du groupe, malgré la pandémie. Et même, saisir les opportunités offertes par la situation.
Au boulot, coûte que coûte
Comme les profits sont tirés, à La Poste comme ailleurs, de l’exploitation de la force de travail, il a bien fallu trouver des réponses à la baisse de fait du temps de travail (quasiment divisé par deux), obtenue par le rapport de forces après deux semaines de confinement. La première a été le recours à une main-d’œuvre extérieure à la maison-mère, essentiellement via l’intérim. Les patrons de La Poste ne sont pas partis bien loin pour recruter, puisqu’une bonne partie de ces nouveaux agentEs sont des salariéEs de la filiale Médiapost (qui assure une partie de la distribution de publicité), qui venaient d’être placés en chômage partiel. Une forme de dumping social interne donc, dont La Poste est d’ailleurs coutumière depuis longtemps.
Mais, comme cela ne suffit pas, on met la pression sur les agentEs de la maison-mère actuellement confinés, en particulier pour assurer la réouverture de 3 200 bureaux de poste d’ici la fin avril. De véritables interrogatoires sont menés par téléphone, concernant la situation personnelle non seulement des postierEs, mais aussi, le cas échéant, de leur conjointE (les jours de repos de ces derniers par exemple). Quand on parle d’ambiance stalinienne…
Franchise postale patronale
Le PDG Philippe Wahl s’est vu, le 9 avril, octroyer un assez long temps d’antenne par Europe 1. Il fallait bien cela en effet pour tenter d’éteindre les différents foyers médiatiques qui se sont allumés contre La Poste. À la fin de l’interview, il s’est félicité du nombre record, établi la veille, de colis envoyés par des particuliers via leur boîte à lettres. Puis, s’enflammant, il a déclaré : « Ce record est à battre ! » C’est cela, la franchise postale version patrons ! Quand on sait que ces derniers ont demandé – et a priori obtenu – de pouvoir déroger aux dispositions légales et réglementaires en matière notamment de temps de travail, on a de quoi être inquiet. Pourquoi des dirigeants qui n’ont pas hésité à faire travailler leurs personnels sans protection se priveraient-ils de les faire bosser jusqu’à 60 heures ? Mais il reste un écueil pour Wahl and Co : la résistance des postierEs. D’autant plus que ces dernierEs peuvent s’appuyer sur un jugement récent, suite à l’assignation de La Poste par Sud PTT, qui oblige la boîte à procéder à une réelle évaluation des risques professionnels dans le cadre de la pandémie.