Publié le Jeudi 30 juin 2011 à 19h13.

Dialogue social : attention danger !

Le patronat et une partie des syndicats se sont mis d’accord sur un diagnostic commun sur la compétitivité dans un document qui fait passer les intérêts de salariés après la performance et qui remet en cause la protection sociale. Avec leurs gros sabots, les Échos titraient le 8 juin : « Les partenaires sociaux s’accordent sur une approche commune, et inédite, de la compétitivité. » Pour le Figaro et l’Express : « Syndicats et patronat main dans la main pour redresser la compétitivité ». En fait, un document de 50 pages intitulé « Approche de la compétitivité française » a été cosigné par le patronat (Medef, CGPME, UPA) et trois organisations syndicales (CFDT, CFTC, CFE-CGC). La CGT a refusé de participer au groupe de travail et FO a refusé de signer le document final. Malgré ces refus, ce document est significatif de la double volonté du patronat et d’une partie du mouvement syndical de poursuivre dans la logique du diagnostic partagé qui a plombé les mobilisations sur la Sécurité sociale ou les retraites. Le préambule est aussi clair qu’inquiétant, puisqu’il s’agit de « dépasser les approches idéologiques » et de reconnaître « l’importance de la compétitivité » et « la nécessité d’une compétitivité durable visant un mode de développement équilibré sur trois piliers, économique, social et environnemental ».

Mais, plus grave que l’accord « philosophique », ils en viennent à l’accord sur les critères économiques : « Pour que nos performances économiques progressent, il faut donc améliorer à la fois ce que les économistes appellent la compétitivité coût (coût des matières premières et de l’énergie, travail...) et la compétitivité hors coût : qualité de nos produits et services, formation, organisation du travail et management, recherche et innovation, environnement fiscal et social, tissu productif... »

Mais c’est quand les « partenaires sociaux » se penchent sur les remèdes que cela devient franchement inquiétant. Pour eux, il faut « repenser l’assiette du financement de la protection sociale », ils reconnaissent que « le taux de prélèvements sur le travail peut rester un frein au développement de l’emploi et à l’amélioration de la compétitivité des entreprises, malgré les dispositifs d’allègement mis en œuvre depuis près de 20 ans ». Et encore : « Un des enjeux est de penser une fiscalité de croissance, qui favorise notamment le développement d’activités sur le territoire. Un vrai débat sur les modes de financement de la protection sociale est également à engager. Une réflexion approfondie et globale sur une nouvelle répartition entre ce qui doit être payé par la solidarité nationale (l’impôt) et ce qui doit être pris en charge par la solidarité professionnelle (les cotisations sociales), constituerait sans doute une méthode à explorer ».

Du pur Parisot-Copé-Bertrand. Bien sûr, le but de ce texte confidentiel est avant tout, pour les directions syndicales, de donner des gages de bonne volonté pour les mois qui viennent. Mais cela ne peut être sans conséquence sur les batailles a mener dès aujourd’hui dans l’automobile et demain dans d’autres secteurs. D’autant plus que même les non-signataires de ce texte valident d’autres accords tout aussi dangereux tel que l’Accord national interprofessionnel du 31 mai relatif au Contrat de sécurisation professionnelle. Dans le cadre d’une consultation bidon qui donnait cinq jours aux organisations de la CGT pour s’exprimer, la direction confédérale proposait de donner un avis favorable à un accord qui entérine la délégation des missions de Pôle emploi aux opérateurs privés, n’accorde le bénéfice du dispositif que pour les métiers « en tension » et à condition de ne pas refuser deux « offres raisonnables d’emploi » et une baisse de revenus. Toutes ces règles sont combattues depuis toujours par les mobilisations mais de fait entérinées par un accord clandestin au nom d’une prétendue avancée sur la voie de la « sécurisation professionnelle » chère à la CGT et à... Sarkozy.

Robert Pelletier