Lors du rassemblement organisé par le Front social, place de la Concorde à Paris, Mickaël Wamen annonçait que la quarantaine de rassemblements similaires qui se sont tenus ce lundi 19 juin avaient regroupé autant de monde que la manifestation du 8 mai, au lendemain du second tour de l’élection présidentielle. Un élargissement géographique, mais pas de progression numérique significative. Avec pourtant une urgence.
Avec des succès électoraux rabaissés par l’ampleur de l’abstention, Macron et ses macronienEs ne se sentent pas si sûrs de leur capacité à mettre en œuvre aussi profondément et rapidement leur entreprise de destruction des droits des salariéEs. Le gouvernement fait du « Hollande » : multiplication des annonces provocatrices et des réunions de concertation avec les « partenaires sociaux » au contenu impossible à déchiffrer avec précision. Et puis, tout aussi traditionnelle, la fuite du rapport « à venir » du COR, indiquant que le « retour à l’équilibre financier du système de retraites, tous régimes confondus, ne devrait être atteint au mieux qu’au début des années 2040 » et non plus, comme il l’avait prévu en 2016, au milieu des années 2020...
« Que diable, allait-il faire dans cette galère ? »
Dans ces conditions, l’attitude des directions syndicales est réellement calamiteuse. Le gouvernement est bien conscient qu’à notre époque « médiatique », l’information est un enjeu essentiel. C’est dans ce contexte que s’inscrit le petit jeu des fuites et de leurs condamnations.
Mais, plus sérieusement, la CGT, dans un compte rendu, pointe la volonté du gouvernement de garder secrètes les discussions entre partenaires : « Avant d’entrer dans le vif du sujet, le directeur de cabinet s’est fait insistant, en précisant qu’il attendait de nous une totale confidentialité sur le contenu de ces discussions... Les informations délivrées par le gouvernement se réduiraient au minimum…. Cela ressemble aux méthodes appliquées à l’entreprise, où l’on doit se parler sous le sceau de la confidentialité ». Mais la conclusion est plus qu’ambiguë : « Lors de la concertation, la délégation CGT aura à mesurer la pertinence ou non de rester ou de quitter la séance s’il s’avère que le gouvernement veuille négocier de la régression sociale ». Cela alors que ce qui se joue, c’est non pas une « négociation » qui pourrait donner lieu à des « contreparties » mais seulement l’ampleur et la rapidité des reculs imposés par les ordonnances en fonction du rapport de forces dans lequel l’attitude des directions syndicales est un élément décisif.
Urgence !
La direction de la CGT place, une fois de plus, la question de l’unité syndicale au centre de son positionnement, en même temps que les interrogations sur la disponibilité des salariéEs à la mobilisation. Il est illusoire de prétendre à l’existence de centaines de mobilisations « invisibles » qui témoigneraient que le feu couve sous la cendre et l’étouffoir du rouleau compresseur électoral... Les mobilisations chez Tati, chez GM&S, à PSA et bien d’autres, témoignent certes de résistances mais sans qu’elles portent en elles-mêmes la volonté de regroupement, de mise en commun, de la mythique convergence tant sur le fond que dans la forme.
La « trahison » des directions syndicales, pour celles qui prétendent s’opposer sur le fond aux projets gouvernementaux, tient autant au faible soutien apporté à ces luttes locales qu’à leur refus de proposer des initiatives un tant soit peu centralisatrices. La multiplication, cette semaine et la semaine prochaine, d’initiatives locales, professionnelles, est à l’opposé de ce qui serait nécessaire. L’heure est à faire naître à la fois « à la base », mais aussi au travers des organisations syndicales, associatives, politiques, disponibles, des initiatives rassembleuses qui, sur la base du meilleur de la mobilisation contre la loi travail « socialiste », donne confiance, consolide, au lieu d’éparpiller ; construise un rapport de forces dans les entreprises, les quartiers, dans la rue. Il n’est pas (encore) trop tard pour placer une initiative début juillet. TouTEs ensemble.
Robert Pelletier
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