Bien difficile, au lendemain du 1er tour des législatives, d’anticiper l’ampleur de l’offensive contre les droits des salariéEs et la rapidité de sa mise en œuvre.
Mais le petit jeu des avants-projets, des fuites, du dépôt de plainte contre la diffusion de documents, ne saurait masquer longtemps les projets gouvernementaux.
TouTEs Uber ?
Dans le flou des informations, on perçoit la volonté de modifier de fond en comble l’architecture des relations du travail construite depuis plus d’un siècle. Certes, ce n’est pas la première fois que le démantèlement du code du travail est évoqué. Mais, cette fois la conjonction des crises économique et politique, de l’effondrement des partis de « gauche », l’affaiblissement militant et les reculs idéologiques des principales organisations syndicales donnent une marge de manœuvre importante à ce projet.
Un projet qui se déploie sous le drapeau de la « libération du travail » cher au patronat. À l’ordre du jour, ce n’est même plus la flexisécurité mais la flexibilité, la mobilité, rendant les salariéEs individualisés, entièrement à disposition de l’« entrepreneur ». Souvenons-nous de la déclaration du ministre de l’Économie Macron : « La vie d’un entrepreneur est bien souvent plus dure que celle d’un salarié. Il ne faut jamais l’oublier. Il peut tout perdre, lui, et il a moins de garanties ».
À partir de là, tout est envisageable. Assouplissement du droit de licenciement économique, individuel, barémisation des indemnités prud’homales, mise en équivalence entre travail subordonné et travail indépendant. TouTEs Uber !
Dialogue social ?
Le deuxième axe est l’affaiblissement des capacités de résistances des salariéEs. La politique répressive engagée par Hollande avec l’état d’urgence ne faiblit pas et risque de devenir la loi ordinaire. Mais l’objectif est bien plus ambitieux. La réduction généralisée des institutions représentatives du personnel au seul comité d’entreprise est significative. Des CE déjà bien plombés par la gestion d’œuvres de moins en moins sociales, de plus en plus transformés en agence de voyages et de spectacles, et paralysés par la multiplication des réunions et de prétendues négociations qui parasitent souvent l’activité revendicative.
Exit les délégués du personnel revendicatifs, les Comités d’hygiène-sécurité-conditions de travail trop intrusifs. Ces réformes visent à accentuer la professionnalisation des militantEs syndicaux, à les éloigner des travailleurEs et à marginaliser les organisations syndicales revendicatives. Le tout conforté par l’extension des prérogatives des accords d’entreprises, associée à la possibilité de contourner les organisations syndicales par le biais de référendum organisés y compris par l’« entrepreneur ». Vive le dialogue social... à une voix !
Une seule solution, la mobilisation !
Les organisations syndicales qui avaient structuré la mobilisation contre la loi travail semblent tétanisées par l’échec d’une tactique dont elles ne tirent pas le bilan. Un échec qui s’inscrit dans la continuité des échecs des précédentes grandes mobilisations et accroît les difficultés de mobilisation.
En panne de stratégie, elles s’enfoncent dans un « dialogue social » qui n’a jamais été si dérisoire, pensant garder ainsi une légitimité perdue sur le terrain revendicatif et bradée dans une course à la représentativité dont bénéficie la plus chouchoutée par le patronat. Car c’est bien cette seule voix, en profond accord avec celle du patronat, que le gouvernement voudrait rendre dominante.
En ces temps de crise économique, seule la domestication totale du mouvement ouvrier peut permettre de restaurer les profits. L’enjeu de la construction, dès maintenant, d’une riposte large, unitaire, majoritaire, est à ce niveau.
Robert Pelletier