La rentrée des congés de la Toussaint, qui s’annonçait compliquée dans l’après assassinat de Conflans et le reconfinement a été marquée, dans les établissements scolaires, par de très nombreux débrayages spontanés, combinés à des droits de retrait. La mobilisation qui se poursuit dans l’éducation cristallise aujourd’hui de nombreux éléments de la situation sociale et sanitaire, face à un gouvernement qui semble déterminé à poursuivre sa gestion erratique et autoritaire de la crise sanitaire mais qui craint que les contestations ne débouchent sur des explosions sociales.
Dans l’éducation nationale, en plus de l’impréparation orchestrée par le gouvernement depuis le début de l’épidémie, les personnels ont dû faire face, dans la période déjà éprouvante pour elles et eux, marquée par l’assassinat de leur collègue Samuel Paty, au mépris de leur ministre autoritaire, Jean-Michel Blanquer. Les lycéenEs qui ont elles et eux aussi décidé de reprendre la main sur l’incurie de l’organisation dans leurs établissements scolaires, ont fait également l’expérience douloureuse de l’autoritarisme et de la violence de ce gouvernement. Mais une chose est sûre : leur irruption dans la rue, devant les lycées, pour exiger au côté de leurs professeurEs des conditions d’études sans risques sanitaires, a surpris et secoué tout le monde. La mobilisation lycéenne, imprévisible et explosive, n’est certainement pas étrangère à la reculade de Blanquer annoncée jeudi dernier.
Décider par et pour nous-mêmes
Même si les personnels et les élèves sont loin d’avoir vu l’ensemble de leurs demandes satisfaites, c’est bien à un recul auquel nous avons assisté, avec la suppression, pour l’année 2020-2021, des « épreuves communes » (ex E3C), et une reconnaissance de la revendication des demi-groupes dans les lycées (pour plus de détails, voir notre dossier pages 8-9). Mardi 10 novembre, la mobilisation s’est poursuivie avec des taux de grèves significatifs dans l’ensemble de l’éducation nationale, et de nouvelles actions menées par les lycéenEs.
Même si la mobilisation est très inégale, les établissements scolaires cristallisent aujourd’hui de nombreux éléments de la situation globale, qu’elle soit sociale ou sanitaire. Les lycéenEs et personnels de l’éducation en lutte posent en effet des questions essentielles dans la période de crise que nous traversons : comment préserver la santé de touTEs, salariéEs et usagerEs, tout en ne l’opposant pas au maintien de certaines missions de service public indispensables, comme l’éducation ? Comment actualiser certaines revendications (sur les embauches de personnels, les conditions de travail et d’études, etc.) dans le nouveau contexte créé par l’épidémie ?
Au-delà, par leur mobilisation, ils et elles rappellent à qui refuse de l’entendre que, sur les lieux de travail comme ailleurs, ce sont les premierEs concernéEs qui sont le mieux placés pour savoir ce qui doit être réorganisé et comment, quels sont les nécessités et les besoins pour faire au mieux dans le respect des conditions sanitaires et en ayant des conditions de travail satisfaisantes. Dans les services publics, les premierEs concernéEs sont aussi les usagerEs, qui devraient être associés, au côté des salariéEs, à des décisions qui engagent en réalité la vie de millions de gens.
« Un plan d’urgence pour la santé, pas pour les profits »
Soit exactement le contraire de la politique du gouvernement, qui navigue à vue avec pour seul cap le maintien d’un fonctionnement de la machine capitaliste à faire des profits, quitte à prendre des décisions changeantes, voire contradictoires, et quitte surtout à mettre nos vies en danger. Le tout en adoptant une posture (et des textes de loi) toujours plus autoritaires. Alors nous devons le dire haut et fort : pour lutter efficacement contre le Covid, il ne suffit pas d’adopter les – nécessaires – comportements individuels et collectifs responsables, mais il faut lutter, ici et maintenant, contre un gouvernement et ses politiques qui font primer les profits sur la vie.
« Un plan d’urgence pour la santé, pas pour les profits » : telle était l’inscription sur la banderole de tête de la manifestation qui s’est déroulée à Toulouse samedi dernier, appelée, autour des syndicats de l’hôpital (CGT et SUD), par une vingtaine d’organisations politiques, syndicales, associatives. 5 000 manifestantEs se sont retrouvés : hospitalierEs, syndicalistes, collectif aéronautique, enseignantEs, DAL, Toutes en grève, militantEs politiques (NPA, FI, POI, LO…), habituéEs des Gilets jaunes… Une initiative qui, à l’instar de ce qui se passe dans l’éducation nationale, témoigne du fait que nous ne sommes pas condamnés à subir les politiques antisociales et antisanitaires du gouvernement, et que prendre au sérieux l’épidémie de Covid ne signifie pas faire taire nos voix et nos luttes. Il s’agit désormais d’amplifier ces résistances, de construire les solidarités locales comme les convergences sectorielles et les fronts politiques, afin de ne pas laisser la main à un pouvoir irresponsable mais qui ne reculera que si nous avançons.