Si le gouvernement est mal placé pour parler de scandale, cela ne nous empêche pas de mettre en cause les dérives des bureaucraties syndicales.
La mise au placard d’un rapport parlementaire relance le débat sur le financement des organisations syndicales de salariéEs et des officines patronales.
Sarkozy cherche à masquer ses échecs sur l’emploi, le pouvoir d’achat et face à la crise économique. L’insécurité, assise sur l’insécurité sociale et les immigrés sont les thèmes récurrents de cette politique d’enfumage. Mais pour faire bon poids, le gang du Fouquet’s a trouvé un nouveau thème : le financement des syndicats. Si les motivations du gouvernement sont claires, nous ne pouvons esquiver le débat ainsi relancé.Il faut un certain culot à ceux qui sont au cœur des scandales Woerth-Bettencourt, Karachi et autre hippodrome de Compiègne pour oser adopter la posture de justiciers et moralistes financiers. Scandaleux aussi l’amalgame entre les syndicats de salariéEs et les « syndicats » patronaux. Si le financement des premiers peut poser problème, ce n’est pas le cas des regroupements patronaux : ils sont financés par les entreprises, notamment les plus grosses. Pas de cotisations des patrons mais des fonds prélevés sur les richesses produites par les salariéEs qui financent ainsi les officines patronales qui sont leurs adversaires les plus acharnés. Le scandale de l’UIMM (regroupement des patrons de la métallurgie), dont les fonds servent au financement de caisses antigrève, n’en est que la petite partie visible.DérivesMais cela ne doit pas nous empêcher de mettre en cause les dérives. Dès ses premiers pas le mouvement ouvrier a été confronté au développement d’une bureaucratie prenant ses distances avec la défense des intérêts des travailleurs pour défendre ceux des appareils. Ce combat est une dimension incontournable de la lutte des classes et une partie essentielle du patrimoine du courant trotskiste. Flagrante en période de fortes mobilisations, la « trahison » des bureaucraties est plus diffuse au quotidien.
L’ouvrage l’Argent noir des syndicats1 n’a suscité que de discrètes contestations alors qu’il met à jour nombre de dérives. À EDF-GDF, le soutien à la réforme du système de retraites par la direction de la fédération CGT avec l’appui de la Confédération a largement facilité la privatisation de l’entreprise en démobilisant les salariés2. Comment ne pas mettre en relation cette politique avec la préservation des attributions et opacités entourant le comité d’entreprise d’EDF-GDF (CCAS) mis en cause par une action en justice démarrée en février 2004 ? Chez Air France, le tournant vers un syndicalisme refusant tout affrontement et accompagnant le démantèlement de l’entreprise vers sa privatisation a mis en évidence un syndicalisme mafieux, où certains confondent militantisme et avantages personnels et font une brillante carrière. Dans des secteurs comme le nettoyage, tous les syndicats sont confrontés à un système mafieux où les militants syndicaux sont régulièrement achetés par les employeurs.
Bureaucratisation, corruption vont de pair avec des politiques de collaboration plus ou moins ouverte. Ce qui n’empêche pas la déstructuration des entreprises de service public qui font exploser les réseaux syndicaux (EDF-GDF, SNCF, France Télécom), les attaques contre le code du travail limitant toujours plus les droits collectifs, et la répression contre les militants combatifs. La voie est étroite pour éliminer le syndicalisme « lutte de classe » tout en favorisant les défenseurs du dialogue social et du constat partagé. TransparencePour les militantEs anticapitalistes, la transparence, la démocratie sont les règles intangibles pour éviter de tomber dans les ornières de la bureaucratisation. À l’opposé de la distribution de toujours plus de moyens vers les sommets des appareils, les permanents incontrôlés, nous revendiquons, par exemple, la mise à disposition gratuite de locaux (Bourses du travail) et l’augmentation des quotas d’heures pour la participation de salariéEs à l’action interprofessionnelle. Même si nous savons bien que dans le cadre du système capitaliste, la domination économique, la division sociale du travail fournissent les conditions d’existence de couches sociales qui, en confisquant la représentation des intérêts des travailleurs, en viennent à défendre ceux de nos adversaires. L’auto-organisation depuis la production jusqu’au plus haut niveau de décision est la seule alternative, la seule voie pour un changement radical de société.
Robert Pelletier1. L’Argent noir des syndicats. Lenglet, Touly, Montgermont. Éd. Fayard2. Une privatisation négociée. A. Thomas. Éd. L’Harmattan.