L’information est tombée tard dans la soirée de lundi 28 janvier : la Direccte refuse d’homologuer le PSE de Ford pour la raison que les obligations de la loi Florange n’ont pas été complètement respectées. En conséquence, Ford ne peut pas le mettre en œuvre immédiatement.
Soit la multinationale conteste la décision de la Direccte auprès du tribunal administratif de Bordeaux, soit elle revoit son document. C’est-à-dire qu’elle convoque à nouveau le Comité d’entreprise pour une ou deux réunions, histoire de se mettre « dans la loi ».
Quelques semaines de répit
Nous ne savons pas ce que cela signifie très précisément. Quelle sera la marge de manœuvre de Ford, si elle conteste ou pas ?Quelles seront ses obligations ?Quel temps cela prendra-t-il avant de soumettre le nouveau PSE à l’avis de la Direccte ?
Ce que nous retiendrons, c’est que cela donne un délai supplémentaire, de quelques semaines (un mois ?) pendant lequel nous allons continuer la bataille. Notre objectif reste d’aboutir à une solution de reprise de l’usine, avec la sauvegarde d’environ 400 emplois directs etdes emplois induits qui vont avec dans la région.
Nous n’avons évidemment aucune certitude sur le fait que ces semaines de répit résoudront notre problème. Mais pour avoir une chance d’y arriver, il nous fallait ce refus d’homologation, c’était incontournable. Cela peut changer la donne. Déjà, Ford se prend une « petite » claque. Et ça fait plaisir ! Donc ce « bon » PSE dont elle était si fière, qui était d’après elle un des meilleurs du pays, qui garantissait l’avenir des salariéEs, le voilà refusé.
Mais encore faut-il avoir, derrière, les moyens de contraindre Ford à étudier sérieusement le projet de reprise et à envisager de vendre son usine. Il faut aussi pousser le repreneur à concrétiser son projet, notamment en obtenant des engagements de leurs clients. Enfin il faut absolument que l’État intervienne clairement pour imposer des solutions « originales », pour qu’au bout, l’usine soit préservée.
C’est très compliqué, mais nous n’avons pas de raison d’abandonner tout espoir. Même s’il n’est pas facile d’entrevoir les leviers que nous avons actuellement pour maintenir la pression. Le rapport de forces reste défavorable, avec dans l’usine des collègues pour l’essentiel passifs, convaincus qu’il n’y a rien à faire pour changer la donne, certains même attendant « impatiemment » la fin de l’histoire.
La résistance continue
Source de complication pour celles et ceux déterminés à sauver leurs emplois, Ford a globalement réussi à opposer les collègues qui veulent partir à celles et ceux qui veulent garder leur emploi dans l’usine. C’est terrible et triste à la fois. Le lendemain de la décision de la Direccte, il y a eu quelques altercations entre collègues, des reproches plus ou moins agressifs adressés à l’intersyndicale. L'individualisation des situations favorise le chacun pour soi alors qu'on devrait mettre en avant le collectif de travail, le collectif tout court qui est notre seule véritable force.
Un climat d’inquiétude pèse sur tout le monde, ce qui est logique. Il est souvent difficile de d’échanger sereinement. Bizarrement, la propagande de la direction de l’usine, pourtant complètement discréditée, laisse des traces. Des collègues pré-retraitables ou sur le départ (parce qu’ils auraient un autre emploi à l’extérieur) auraient peur de tout perdre.
D’un autre côté, une bonne partie des collègues espèrent bien sûr ne pas être licenciés et se retrouver dans les bureaux de Pôle emploi, dans la galère des petits boulots. Parce nous sommes quand même un certain nombre à savoir que dehors c’est le chômage et la précarité pour des millions de gens. Et que la meilleure façon de trouver un emploi, c’est de défendre et garder celui que nous avons.
Alors la résistance continue. Il nous faudra trouver des moyens d’action, des initiatives, car nous ne pouvons pas nous contenter des réunions à Bercy ou ailleurs. L’ambiance n’est malheureusement pas à la lutte dans l’usine. Donc nous cherchons d’autres idées. D’ores et déjà, une soirée concert de solidarité est organisée à Bordeaux le samedi 2 mars. Ce sera un acte de résistance, une manière de montrer que nous sommes déterminés et aussi que le sort d’une usine, cela concerne toute la population, par exemple les artistes et salariéEs du milieu culturel qui viendront et travailleront en soutien.
Philippe Poutou