Depuis 8 ans et l’affaire du Liechtenstein, les affaires dévoilant l’ampleur de la fraude fiscale internationale et nationale n’ont de cesse de se multiplier grâce aux lanceurs d’alertes et à certains médias... Mais rarement grâce à l’administration fiscale.
Depuis plus de 15 ans, une majorité d’États n’a de cesse de multiplier les déclarations de principe et d’affichage contre la fraude et l’évasion fiscale, faisant ainsi croire que ces États dont la France lutteraient réellement contre la fraude fiscale. Mais la succession des « affaires » – Luxleaks, HSBC, Cahuzac, Bettencourt ou plus récemment les Panama Papers – décrédibilisent ces pseudo-politiques. Et dans les années 2000, les « listes noires » des « paradis fiscaux » se sont vidées, bien que ces paradis fiscaux continuent à être particulièrement actifs.
Certes, avec la crise, les États ont été obligés de hausser le ton... mais sans rien changer sur le fond. Comment croire que la lutte contre la fraude et l’évasion fiscale serait prioritaire quand les États font des procès et condamnent pénalement les lanceurs d’alertes, ou quand le Parlement européen vote avec l’appui de la majorité des députés européens français – du FN au PS (seuls ceux d’Europe Écologie -les Verts et du Front de gauche ont voté à l’unanimité contre) – la directive sur le secret d’affaires ?
Selon les défenseurs de cette directive, cela ne devrait pas entraver les activités des lanceurs d’alerte puisque « la protection des secrets d’affaires ne devrait dès lors pas s’étendre aux cas où la divulgation d’un secret d’affaires sert l’intérêt public, dans la mesure où elle permet de révéler une faute professionnelle ou une autre faute ou une activité illégale directement pertinentes ». Le problème est qu’il reste à définir « la pertinence » de la révélation et « l’intérêt public ». Ce sera donc à un juge de trancher. Par ailleurs, dans le cas des Panama Papers, de nombreuses entreprises offshore créées ne sont pas illégales. Conclusion : les entreprises ou les banques telles que la Société générale pourront donc utiliser cette nouvelle directive pour faire taire les médias.
Une certaine complaisance...
En France, la fraude fiscale s’élève annuellement à entre 60 et 80 milliards d’euros, et on ne peut pas dire, malgré les discours, que cette fraude et évasion fiscale soient combattues avec énergie de la part même de ceux qui ont en charge les recettes de l’État. En effet, c’est en partie au sein même de l’État que s’organisent les faveurs fiscales dont bénéficient les seuls nantis. Et les exemples sont nombreux : famille Wildenstein (collectionneur d’art et ami très proche de Sarkozy), Cahuzac, Bettencourt...
Toutes ces affaires ont plusieurs points communs : la fraude fiscale évidemment, mais aussi le lien étroit avec le pouvoir (de droite comme de gauche) permettant ainsi d’oublier les dossiers souvent décelés par des agents scrupuleux des Finances publiques. Cette tolérance à la fraude fiscale pour les amis du pouvoir est permise grâce au fameux « verrou de Bercy » qui empêche tout fonctionnaire des Finances publiques ayant établi l’existence d’une fraude fiscale de porter l’affaire directement devant les tribunaux. Et si les Wildenstein, les Cahuzac et autres ont été au final rattrapés, c’est grâce à l’obstination d’avocats ou de journalistes, et non à la volonté de Bercy...
Malgré cela, Bercy adore mettre en avant ses prétendues victoires contre les fraudeurs... et dans le même temps continue à supprimer massivement des emplois aux Finances publiques (35 000 depuis 2002), en particulier dans les missions de contrôle.
Dans de telles conditions, le « risque » des 500 plus grandes fortunes françaises de se faire contrôler est minime. Ainsi, le rapport de la Cour des comptes de février 2012 révélait que la probabilité est de 2,3 %, ce qui correspond à un contrôle tous les 40 ans... La fraude fiscale des plus riches a donc de beaux jours devant elle.
Joséphine Simplon