En alpinisme, les premiers de cordée marchent certes devant (ils peuvent le cas échéant se relayer) et tout le monde arrive au sommet. En Macronie et, de façon générale, dans une société capitaliste, les dernierEs restent en bas, même si ils et elles ont porté les paquets des premiers et leur ont permis d’arriver.
C’est ce que montre une fois de plus le rapport de l’Observatoire des inégalités, qui s’appuie sur les statistiques officielles et fournit de nombreux chiffres utiles, et qui souligne que « l’accumulation engendre une reproduction des inégalités de génération en génération ». Même après redistribution par les impôts et les prestations sociales, le gâteau des revenus demeure bien mal partagé : les 10 % les plus favorisés récupèrent 23,8 % de l’ensemble des revenus. Cinq millions de personnes pauvres vivent avec moins de 855 euros pour une personne seule.
Quant aux écarts de patrimoine (de richesse), ils sont bien plus élevés que ceux des revenus. Le 1 % le plus fortuné possède 17 % de l’ensemble du patrimoine des ménages ; les 10 % les plus riches, presque la moitié.
Le rapport s’appuie sur des données datant au mieux de 2016. Depuis, souligne l’Observatoire des inégalités, « la baisse de l’impôt sur la fortune et l’allègement de l’imposition des revenus financiers ont gonflé les revenus des plus aisés, ce qui n’apparaît pas dans notre rapport : les riches sont encore plus riches. »
Inégalités à tous les niveaux
L’Observatoire recense aussi les inégalités devant l’éducation. À tous les niveaux du système éducatif, on constate un lien entre origine sociale et réussite scolaire. Cela s’accentue encore à l’université : « Les enfants de cadres supérieurs sont 2,9 fois plus nombreux que les enfants d’ouvriers parmi les étudiants (ministère de l’éducation nationale, 2017-2018), alors qu’ils sont presque deux fois moins nombreux dans la population totale. Les enfants d’ouvriers représentent seulement 12 % des étudiants, 7 % des élèves de classe préparatoire aux grandes écoles et 4 % des effectifs des écoles de commerce.»
Enfin, après d’autres aspects inclus dans le rapport, l’inégalité face à la mort : « Chez les hommes, 13 années séparent l’espérance de vie des 5 % les plus pauvres (71,7 ans). » On pourrait y a jouter l’inégalité face à la fin de vie en bonne santé. Selon les chiffres disponibles cités par l’Observatoire dans une autre publication, chez les hommes, l’écart d’espérance de vie à 35 ans sans incapacité entre cadres supérieurs et ouvriers est encore plus grand que l’écart d’espérance de vie global. Ainsi, l’espérance de vie à 35 ans des cadres sans problèmes sensoriels et physiques est de 34 ans, contre 24 ans chez les ouvriers, soit un écart de 10 ans. Non seulement les cadres vivent plus longtemps, mais aussi en meilleure santé. Ils bénéficient donc de retraites plus longues. Il est simple de faire le calcul : 35 + 24 = 59 ; donc 59 ans est l’espérance moyenne de vie en bonne santé d’un ouvrier. À ne pas oublier alors que le gouvernement s’apprête à pénaliser ceux qui partiront en retraite avant 64 ans…
Henri Wilno