Pendant que Sarkozy imposait la réforme des retraites, dans les bureaux du Medef on préparait déjà le « coup d’après » contre la Sécurité sociale.Médiapart a révélé un projet de note interne de la commission santé du Medef. Datée du 2 novembre 2010, elle définit le programme de privatisation de l’assurance maladie et de l’hôpital public. Considérant que les mesures partielles ont désormais fait leur temps, le Medef appelle à une « réforme structurelle » applicable au plus tard après 2012.Le patronat confirme dans cette note qu’il ne s’agit pas pour lui de réduire les dépenses de santé mais de restreindre au minimum l’espace de la Sécurité sociale et de l’hôpital à la part non rentable des soins… pour ouvrir et élargir sans aucune limitation le place du marché de la santé. La note le dit sans ambiguïté : « La priorité ne réside pas dans un plan de maîtrise des dépenses, mais dans un plan d’optimisation de l’offre de soins ».Le Medef veut en même temps s’exonérer définitivement du financement de ce qui restera de l’Assurance maladie en faisant disparaître progressivement les cotisations sociales des employeurs et en les remplaçant par l’impôt… payé pour l’essentiel par les salariés.La note se montre par contre beaucoup plus « ouverte », quant au financement des assurances privées : « il serait contreproductif d’augmenter les charges sociales obligatoires de l’entreprise au bénéfice de l’AMO […] il existe plus de flexibilité pour le financement de l’AMC »1.Pour privatiser le système de santé, les deux cibles principales du Medef sont les affections de longue durée (ALD) et l’hôpital. Les ALD sont les maladies chroniques, longues et « coûteuses », dont les soins sont jusqu’à présent remboursés à 100 % par la Sécu. Elles sont au cœur du droit à la santé créé par celle-ci : chacun doit être soigné selon ses besoins, quels que soient ses moyens. Une absurdité pour un assureur. Pour lui chacun doit contribuer en fonction du « risque » qu’il représente. Diabétiques, malades du sida, du cancer, personnes âgées, vous consommez plus de soins, c’est donc à vous de payer le plus : voilà la logique implacable et inhumaine du Medef.Pour cela il préconise un durcissement extrême des conditions d’admission en ALD, une limitation draconienne de la part des soins remboursés à 100 % et une « sortie » d’ALD dès que le patient va mieux, alors qu’il s’agit de pathologies chroniques qui nécessitent une continuité de la prise en charge !Si le Medef se déclare satisfait de la contre-réforme de l’hôpital, notamment la loi Bachelot, celle-ci doit être « poursuivie à un rythme soutenu jusqu’à son terme » selon la note qui déplore le « recours excessif » à l’hôpital et la « productivité insuffisante » de celui-ci. Elle exige « hors certaines missions de service public à circonscrire », la mise en concurrence stricte des établissements publics et privés par la « convergence tarifaire ».Les cliniques privées pourront donc accroître leurs « parts de marché » sur le traitement des pathologies les plus rentables, en sélectionnant les patients, pendant que les établissements publics devront accueillir les pathologies et les malades les plus lourds (et donc les plus « coûteux »), avec des moyens insuffisants.Les portes étant ainsi ouvertes aux assurances et à l’hospitalisation privée, le Medef rêve de conquérir de nouveaux espaces, en ouvrant largement le marché de la médecine de ville, qui doit désormais relever des assurances complémentaires et non plus de la Sécu.Pour cela il faut faire de la médecine libérale une affaire rentable qui doit être selon la note « mieux encadrée ». On y retrouve des propositions qui ressemblent étrangement à celles du rapport Hubert de la réforme de la médecine libérale actuellement sur le bureau de Sarkozy : limitation des actes médicaux aux actes « à forte valeur ajoutée », transfert des autres actes vers d’autres professionnels, création de maisons médicales « qui devrait faire appel à l’esprit entrepreneurial du médecin »…S’ajoutant aux projets gouvernementaux sur la dépendance, cette note trace la voie d’un changement « systémique » dont la conséquence serait la fin du droit aux soins. Elle conforte l’urgence de la campagne santé/dépendance engagée par le NPA et proposée aux autres forces politiques, et l’urgence d’une mobilisation unitaire.Jean-Claude Laumonier1. Assurance maladie obligatoire (Sécu) et complémentaire (assurances).