Publié le Vendredi 21 novembre 2025 à 10h41.

Ni les ARS, ni les Départements, une Sécu démocratique pour gérer notre santé !

Sébastien Lecornu vient de proposer de confier aux départements une partie des compétences des Agences régionales de santé, tandis que onze ancienNEs ministres de la santé, qui tous et toutes ont pratiqué l'austérité de droite ou « de gauche », défendent la gestion par l’État central. Une grande oubliée, une Sécu autogérée !

Beaucoup de critiques entourent les ARS, les Agences Régionales de Santé, les préfets sanitaires créés par la loi HPST (hôpital patient santé territoire de 2010), qui font appliquer l’austérité sans état d’âme. On pense aux camarades de Kemper, en Bretagne, qui ont occupé l'ARS contre les fermetures des urgences de Carhaix. Pour nous, elles sont bureaucratiques, comme de nombreuses voix le dénoncent, parce qu’elles sont austéritaires !

Les ARS, outil de l’étatisation, de l’austérité et de la privatisation

Car les ARS sont un dispositif clé du processus où étatisation rime avec austérité et privatisation. Elles font suite et étendent le champ de compétence des ARH, les agences régionales de l’hospitalisation. Des ARH créées par les ordonnances du plan Juppé de 1995. Un plan qui a fait descendre dans la rue des millions de personnes. Et qui s'attaquait à nos retraites, mais aussi à notre Sécu. Ce plan Juppé organisait la prise de pouvoir des directeurs de caisse, nommés directement ou indirectement par l’État, sur les conseils d’administration, le vote annuel par le Parlement du budget de la Sécu et de l’Ondam, l’Objectif national des dépenses d’assurance maladie, et mettait en place les schémas régionaux d'organisation sanitaire, qui font la part belle à l'hospitalisation privée. Une étape fondamentale dans un processus d’étatisation de la protection sociale en France, pour ouvrir la porte à la privatisation de ses secteurs les plus rentables !

Confier le pilotage aux départements, c’est aggraver le problème

Mais la proposition de Sébastien Lecornu de confier une partie du pilotage de la santé aux départements, en leur confiant aussi au passage une partie de la CSG qui va vers la santé, notamment pour assurer le financement du bâti des hôpitaux ou le médico-social, n’est pas une solution plus démocratique, au plus près des besoins. C'est au contraire un pas de plus dans l’étatisation et le démantèlement de notre Sécu. Dans le cadre d'une austérité renforcée et de lois de finances pour la Sécurité sociale qui organisent la pénurie, cette réforme favoriserait encore plus son éclatement et les inégalités d’accès selon les territoires, selon que votre département sera riche ou pauvre. Et la plupart des départements sont exsangues, comme le démontre le financement des Ehpad ou de l'action sociale ! Avec d'ailleurs le risque de transferts financiers entre les différentes missions des départements.

Loin d’être un rempart contre l’austérité, loin d’être un rempart contre les inégalités territoriales de santé, ce transfert marquerait un nouveau pas vers un démembrement de notre droit à la santé pour touTEs, partout ! Pour ceux et celles qui auraient quelques illusions sur ce transfert, c’est aux Préfets que seraient confiées le reste des prérogatives ! Et l’État qui garderait la main sur le budget de notre Sécu, évidemment !

L’étatisation n’est pas la solution, mais une partie du problème

Mais que propose la tribune des onze ancienNEs ministres en défense des ARS ? « Les ARS sont nées en 2010 du constat que le système de pilotage de la santé était défaillant, éclaté entre l’État – notamment sous la responsabilité des préfets  –, les départements et l’Assurance-maladie ». Pour être précis : les ARS remplacent aussi certains organismes de Sécurité sociale, les unions régionales des caisses d'assurance maladie, le personnel des pôles OSS (Organisation du système de soins) et prévention du Service du contrôle médical, ainsi que la branche santé des caisses régionales d'assurance maladie (CRAM). Les CRAM deviennent les caisses d'assurance retraite et de la santé au travail (CARSAT), ne conservant que leurs attributions en matière d'assurance vieillesse et de risques professionnels.

« Seul l’État peut être le garant des coalitions d’acteurs nécessaires à son efficacité », nous dit la tribune des ancienNEs ministres de la santé, « de gauche et de droite » ! La saisie du pouvoir sur la Sécurité sociale par l’État, dont les ARS sont une étape que nous avons combattue, n’est pas la solution à défendre, mais une partie du problème. Dans le cadre d’une Sécurité sociale démocratique et autogérée, nous avons une autre solution.

Pour une Sécurité sociale démocratique et autogérée

C’est bien la Sécurité sociale, qui gère nos cotisations sociales, la part socialisée de notre salaire, qui doit gérer notre santé. Une Sécurité sociale au fonctionnement démocratique (retour des élections, fin du paritarisme et gestion salariale de la Sécu, débat sur les choix de santé, vote du budget de la Sécurité sociale…), du local au national et du national au local, autonome de l’État, c’est-à-dire autogérée, avec un financement à la hauteur des besoins, c'est l'alternative que nous défendons. Une Sécurité sociale qui ferait la part belle aux personnels de santé, on a bien dit aux personnels et pas aux seulEs médecins, pour l'organisation de l'hôpital, avec une efficacité reconnue lors de l'épisode covid, où dans l'urgence les personnels ont réorganisé les services en fonction des besoins. Une Sécurité sociale qui ferait la part belle aux usagerEs, car à l'heure des pathologies chroniques, des maladies de société, soin et encore plus prévention ne peuvent se faire sans les usagerEs. Une Sécurité sociale universelle, un droit à la santé partout sur tout le territoire, et pas 101 politiques de santé, à géométrie variable selon la richesse des départements, ce qui n’a rien à voir avec la démocratie locale. Ni ARS au service de l’austérité, ni départements victimes de l'austérité. La Sécu, elle est à nous. À nous de gérer le droit à la santé dans une perspective démocratique, qui allie soin, prévention, bataille sur les conditions de travail, la qualité de l’air, de l’alimentation, contrôle sur la politique du médicament… Avec et par les salariéEs et les usagerEs !

Frank Prouhet