Le gouvernement n’aura jamais été aussi préoccupé par la défense des emplois. Le ministre Le Maire a dit regretter la « mauvaise décision » du tribunal condamnant Renault à maintenir la production à l’arrêt, l’obligeant à mettre en place de nouvelles conditions de redémarrage. Peu lui importe si c’est pour faire respecter les droits des travailleurEs (consultation et santé).
Partout, cela semble la philosophie du moment. Il faut assurer la reprise de l’activité et éviter tout ce qui peut l’entraver. Au nom de l’emploi bien sûr. Tant pis si tout n’est pas au top, questions organisation et protection : et pour la présence de masques, gel, distanciation physique sur les postes de travail, faut pas non plus regarder de trop près. On a bien compris : c’est l’activité d’abord.
Les mêmes vieilles recettes antisociales
On aurait presque apprécié que ce gouvernement soit autant obsédé par le maintien de l’activité et des emplois quand, par exemple, Ford voulait fermer son usine ou quand le tribunal de Bordeaux a permis la liquidation de l’activité en refusant de vérifier l’absence de motif économique légal, ou encore quand l’inspection du travail a fini par donner l’autorisation administrative des licenciements pourtant injustifiés. Dommage qu’à ce moment-là, la question prioritaire n’ait pas été le maintien de l’activité et la réouverture à tout prix.
Mais ça c’était hier. Aujourd’hui il y a urgence à relancer l’activité partout. Pas de « pleurnicheries », pas de « défaitisme » qui tienne, il faut y aller franchement. Le gros patronat met la pression évidemment car derrière le mot « activité » il y a surtout les mots « machine à faire du profit ».
Ce qui décale le problème et ce qui surtout permet de comprendre leur précipitation et les conditions précaires dans lesquelles ces gens-là sont prêts à faire reprendre, à nous faire reprendre. Car en plus des inquiétudes sur notre protection et notre santé, il y a les conditions sociales qui sont parties pour se dégrader encore un peu plus. Eh oui, l’ancien monde n’est pas parti et il pourrait revenir plus fort.
Il est d’ailleurs impressionnant de voir avec quelle légèreté ou grossièreté le pouvoir politique et le patronat commencent à mettre au point leur plan de reprise. Certains restent mesurés ou prudents pendant que d’autres préparent le terrain. On a entendu des déclarations venant notamment d’instituts qui n’ont en réalité aucune autorité ou compétence à part celle d’être ultralibéraux. Et ils ne se gênent pas : pour rattraper le retard, pour sauver l’économie, il serait donc nécessaire de revoir le temps de travail (à la hausse), de grignoter quelques jours fériés. Voilà donc exactement les mêmes recettes antisociales qui sont imposées depuis des décennies que les dominants osent sans complexe nous resservir maintenant.
Cynisme et mépris
La crise sanitaire, comme à chaque fois que frappe une crise, leur sert d’opportunité pour aller toujours plus loin dans la remise en cause des droits et des acquis de celles et ceux qui bossent vraiment. Il ne s’agit même pas de produire plus et mieux, de chercher à produire pour répondre aux besoins sociaux du moment. Non c’est juste un objectif d’augmenter la productivité, de presser plus celles et ceux qui auront un boulot.
C’est édifiant de voir à quel point ces gens-là ne s’arrêtent jamais. Le système ne peut tolérer de faire une pause, quelle qu’en soit la raison. Les libéraux n’ont plus de retenue et, au travers des médias, leurs absurdités sont prises au sérieux, sans réflexion, sans contradiction. « Et si on enlevait un jour de repos, seriez-vous d’accord pour faire un sacrifice supplémentaire et sauver votre emploi ? » : voilà donc une question sensée ?
Il faut une bonne dose de cynisme et de mépris pour continuer dans un sens qui a fait la démonstration de sa capacité à tout détruire. Faut espérer que la bêtise sans limite des fous du profit puisse faire comprendre que rien ne changera tant qu’il n’y aura pas de coup d’arrêt imposé par en bas.