Publié le Mercredi 11 janvier 2012 à 21h43.

Les candidats chez Pétroplus

Après avoir profité des subsides de l’État, les banques refusent d’octroyer un crédit à Pétroplus, menaçant ainsi plusieurs centaines d’emplois.

L’assemblée générale quotidienne des salariés de la raffinerie Pétroplus de Petit-Couronne est devenue incontournable pour les candidats à la présidentielle. Les salariés ont en effet demandé à tous les candidats – sauf Marine Le Pen – de venir les soutenir dans leur combat. La multinationale suisse souhaite en effet limiter ses capacités de raffinage en Europe et délocaliser là où salaires et normes environnementales sont moins lourds. Les banques, après avoir reçu des milliards, refusent la ligne de crédit indispensable à l’achat du brut. 550 emplois directs sont menacés avec la fermeture de la raffinerie, plus de 1 000 si l’on compte les sous-traitants.
Philippe Poutou a été le premier à répondre présent. « Pour qu’aucun salarié ne fasse les frais des magouilles financières des grandes multinationales du pétrole et de la rapacité des banques, il faut interdire les licenciements. Il faut placer l’ensemble du secteur énergétique, à commencer par Pétroplus, sous contrôle de la population, après expropriation, sans indemnité ni rachat, de tous les grands groupes du secteur, dont Esso, Total et Areva ».
Après Dupont-Aignan et Hollande, qui a demandé au « gouvernement de prendre ses responsabilités dans la recherche d’un repreneur », c’était au tour de Jean-Luc Mélenchon de s’adresser aux Pétroplus. Le candidat du Front de Gauche a dénoncé les banques responsables de la crise, et réclamé un pôle public bancaire. Face à la volonté patronale de délocaliser, il a affirmé : « si j’étais à la place de l’inutile qui s’y trouve, je prononcerai la réquisition de l’usine ».  Avec satisfaction donc, nous avons noté que l’exigence de la réquisition de Pétroplus est entrée dans le vocabulaire du Front de Gauche. Nouveau et positif.
Mais il s’est aussi lancé, avec des accents gaulliens, dans une défense de l’industrie chimique et pétrolière nationale… depuis François 1er. « L’activité de raffinage est un élément essentiel du potentiel économique de la nation. Sa délocalisation met en cause l’indépendance énergétique du pays ». Au-delà des envolées lyriques, on en oublierait presque que la France ne produit pas de pétrole et que l’histoire des multinationales du pétrole est marquée par les sombres heures du pillage colonial. Se lancer dans la guerre économique de « visas environnementaux et sociaux sur toute marchandise qui rentre en Europe », c’est lancer les travailleurs de chaque pays dans la guerre économique, derrière leur patron, « victime de concurrence déloyale ». Nous préférons la voie du service public de l’énergie, qui  retire cette dernière de la concurrence et de son cortège de délocalisations, tout en pouvant unir les peuples.
Déjà la semaine précédente Jean-Paul Lecocq, député-maire PCF, s’était félicité que tout le monde reprenne aujourd’hui ce que le PCF dit depuis longtemps, « produire français ». Nous savons bien que le PCF et le Front de Gauche sont présents dans la lutte contre le Front national, mais comment ne pas voir qu’en ouvrant cette porte, c’est un boulevard qui est offert à Marine Le Pen, qui n’a qu’à ajouter, « avec des travailleurs français ». Le retour vers un capitalisme national est une utopie qui nous déporte de notre combat fondamental, unir tous les salariéEs, quelle que soit leur nationalité, contre leurs patrons. Toutes les raffineries Pétroplus en Europe (en France, Suisse, Belgique, Allemagne) sont menacées aujourd’hui, peut-on unir leurs 2 500 salariéEs derrière le « produire français » ? Un débat qui doit se poursuivre au cours des actions de solidarité avec les Pétroplus : blocage des produits raffinés, journée ville morte, mobilisation à l’échelle de toutes les raffineries…
Frank Cantalou