Alors que la loi dite de sauvegarde de la compétitivité, assise sur l’Accord national interprofessionnel, accroît honteusement les possibilités de licenciement et de surexploitation des salariéEs, le projet de loi sur les reprises d'usine, qui était initialement censé porter le nom de « loi Florange », n’est qu’une illustration de plus des reniements du Parti socialiste et du gouvernement. Bateleurs et menteurs... En février 2012, juché sur le camion de la CFDT d’Arcelor à Grandrange, le candidat Hollande déclarait « Gandrange est devenu un lieu symbole de l'abandon de l'emploi comme priorité, de l'échec d'une politique industrielle, des manquements à la parole donnée ». Il promet, s'il est élu, de faire voter une loi prévoyant que « quand une grande firme ne veut plus d'une unité de production, elle soit obligée de la céder à un repreneur » afin qu'elle ne soit pas « démantelée ». « Je viens devant vous prendre des engagements (...) Je ne veux pas me retrouver dans la situation d'être élu un jour sur une promesse et ensuite de ne pas revenir parce qu'elle n'aurait pas été tenue »...
Arcelor, la preuve par l'exempleDès septembre, le président du groupe parlementaire PS, Bruno Le Roux, annonce qu’il est prêt à déposer un projet de loi visant à empêcher la fermeture des sites rentables. Le Premier ministre Jean-Marc Ayrault réaffirme la nécessité d’une « loi pour obliger, lorsqu’une entreprise veut vendre, à rechercher un repreneur » et Montebourg surenchérit en déclarant « sans cette loi, nous ne sommes bons qu'à gérer des plans sociaux »... Fin novembre, Montebourg, ministre du redressement productif, prononce l’horrible mot de « nationalisation » pour Arcelor. Au milieu de multiples déclarations fracassantes à droite et à gauche, Mittal prend ses dispositions pour fermer le site dès mars 2013. Le 30 novembre, le Premier ministre annonce un accord avec Mittal, prévoyant un investissement de 180 millions d'euros sur les cinq prochaines années et pas de plan social. Toute idée de nationalisation même partielle, même provisoire est abandonnée. Désavoué, Arnaud Montebourg menace alors de démissionner. Le leader de la CFDT du site, Édouard Martin, qualifie alors le Premier ministre de « traître » et menace : « Nous avons été le cauchemar de Sarkozy, on pourrait être celui de ce gouvernement. Les rénovations et les investissements, c'est maintenant que nous les voulons, pas dans cinq ans. » Aujourd’hui la filière chaude est fermée. Plus de 600 emplois directs sont supprimés. Mittal continue de faire des profits dans la sidérurgie.
Le vide sidéralDe tergiversations en reculs, que reste-t-il des promesses radicales du candidat Hollande dans le projet de loi en discussion depuis une semaine au Parlement ? Le Medef a beau crier une nouvelle fois à l’atteinte à la liberté d’entreprendre, rien de contraignant dans ce projet de loi. Le texte propose d’obliger les groupes de plus de 1 000 salariéEs qui envisagent de fermer un établissement de plus de 50 salariéEs à rechercher un repreneur, pendant 3 mois, sans obligation de résultat, mais avec juste l’obligation de fournir des réponses motivées. Informés et pouvant donner un avis consultatif, les élus du personnel pourront, à l’issue de la procédure, saisir le tribunal de commerce, plutôt des amis des patrons, qui pourront tout au plus infliger une pénalité maximum de 20 fois le montant du salaire minimum par emploi supprimé. Une pilule douce pour des groupes comme Arcelor, PSA ou Sanofi. On ose à peine chercher les miettes que le gouvernement pourrait lâcher pour s’attirer les bonnes grâces du Front de gauche, prêt à voter le texte si des amendements pour dissuader les licenciements boursiers sont pris en compte. Cette loi est de toute façon bien trop tardive pour les milliers de salariéEs qui, chez PSA, Fralib, Doux, Technicolor ou Virgin, auraient eu quelques illusions sur la volonté de Hollande, les rodomontades de Montebourg, et les gesticulations de Ayrault. Elle n’impose aucune obligation nouvelle aux licencieurs et n’offre aucune possibilité réelle pour les salariéEs de défendre leurs emplois.
Robert Pelletier