Publié le Mercredi 17 décembre 2014 à 12h41.

Loi Macron : le libéralisme triomphant

Après la présentation devant le Conseil des ministres le mercredi 10 décembre, on voit se préciser le contour de la loi Macron. Les médias et nombre de prétendus opposants se focalisent sur les mesures tendant à étendre et faciliter le travail du dimanche et de nuit. Mais l’ambition libérale, antisociale du projet de loi Macron-Medef est bien plus considérable...

De présentations en tractations de couloirs, le projet évolue mais l’objet du projet de loi reste clair : « Projet de loi pour la croissance et l’activité » avec des têtes de chapitre explicites : « Libérer », « Investir », « Travailler »...

Dans la diversité, une cohérence...Dans le chapitre « libérer », pas ­d’illusions : il ne s’agit pas de libérer le travail du joug du capital, mais de libéraliser les professions dites réglementées pour faciliter la mise en concurrence, de privatiser l’examen du permis de conduire et surtout de favoriser le développement des lignes de transport en autocars, dangereuses et polluantes, avec mise en concurrence avec le réseau SNCF. Il s’agit aussi de pérenniser la privatisation des péages d’autoroutes, au cas où certains auraient cru à un risque de nationalisation…Le chapitre « Investir » vise à alléger les normes, à donner plus de libertés au patronat. Quelques mesurettes-­alibis censées favoriser le respect de l’environnement ou la prévention des risques mais qui ne visent pas à supprimer les risques. Mais surtout il s’agit de poursuivre et d’accélérer un désengagement de l’État dans les entreprises, explicitement destiné au désendettement de l’État.Enfin, le chapitre « Travailler » qui propose de « travailler plus »... dans de plus mauvaises conditions pour gagner moins. C’est là que l’on trouve les facilitations du dimanche, du travail de nuit, l’invention du travail de soirée, le tout à moindre coût pour les patrons. La mesure ayant été contestée par le Conseil constitutionnel, la compensation ne sera pas fixée par la loi mais par négociation au niveau des branches voire des entreprises, et l’initiative transférée du conseil municipal à l’exécutif (maire ou président de l’organe d’intercommunalité).Deuxième point décisif, les attaques contre la justice prud’homale, avec de nouvelles dispositions en matière de formation des conseillers et leur mise sous tutelle de juges professionnels. Une nouvelle attaque de la médecine du travail, avec la suppression d’une partie des visites obligatoires et l’interdiction faite aux médecins du travail de rendre des avis d’aptitude avec réserves obligeant les employeurs à adapter le poste de travail à l’état de santé du salariéE. Vient ensuite la concrétisation des attaques contre l’Inspection du travail qui vise à la dépénalisation du droit du travail, à un contrôle renforcé par le ministère et les directions du travail, avec des priorités fixées après concertation avec les employeurs... Et une série de mesures visant à libérer les patrons de toutes sortes d’obligations concernant le délit d’entrave, les droits des CHSCT, les critères d’ordre des licenciements, le périmètre de validation des ressources financières, et les recours des salariéEs en cas de PSE.

Une riposte à construireCe qui caractérise l’ensemble de ce projet, c’est la remise en cause de décisions juridiques et de dispositions légales, qui, au fil du temps, avaient construit des protections pour les salariéEs. En même temps, la méthode est retorse : nous avons affaire à un texte qui regroupe des questions et des problématiques différentes, et des mesures concrètes souvent absentes car devant être mise en œuvre par ordonnances, c’est-à-dire hors de tout contrôle un tant soit peu démocratique et transparent.Tout cela complique la possibilité de construction d’une riposte à la hauteur des attaques. Mais ceci ne saurait justifier ni la polarisation médiatique et celle des organisations politiques sur la question, certes essentielle, du travail du dimanche et de nuit, ni l’absence de toute proposition de construction d’une riposte significative de la part des organisations syndicales.Des « Frondeurs » au Parti communiste, les critiques sont plus ou moins sévères... mais les propositions de ripostes concrètes, passant par des mobilisations, sont totalement absentes. Dès maintenant, il s’agit de faire connaître largement le contenu des attaques, ce à quoi nous nous emploierons dans le prochain dossier de l’Anticapitaliste, le projet étant complexe... et évolutif en fonction des tractions engagées par le gouvernement pour obtenir une majorité à l’Assemblée nationale. Pour nous, l’enjeu est bien d’engager la construction d’une large mobilisation ces prochaines semaines.

Robert Pelletier