Les sondages en vue des élections législatives semblent donner des ailes à Macron et à un gouvernement bien décidés à tenir les engagements pris auprès du patronat non seulement sur le fond, mais aussi en matière de délais...
La fuite (volontaire ?) dans la presse du projet d’ordonnances fait figure de dernier test avant officialisation et dernier round de discussions.
Les négociations d’entreprise pourraient couvrir le contrat de travail, la durée de travail, la santé et la sécurité, les salaires et l’emploi, les motifs de licenciement, le recours aux CDD… La « sécurisation juridique des licenciements » pour les patrons serait complétée avec le plafonnement des indemnités prud’homales, la réduction des délais de recours ainsi que la « simplification » des procédures collectives. Les accords d’entreprise auraient la primauté sur les accords de branche. Des branches dont le nombre et les prérogatives seraient réduites.
Ce qui reste de « sécurisation » du droit du travail au bénéfice des salariéEs serait mis en cause par la généralisation des possibilités du recours aux référendums d’entreprise, y compris à l’initiative de l’employeur.
La fusion des institutions représentatives du personnel réduirait encore les moyens de défense des salariéEs, surtout en matière de santé et de sécurité du travail. En contrepartie, des miettes seraient cédées aux syndicats avec une formation des représentants des salariéEs « renforcée », la mise en place du chèque syndical pour « permettre à chaque salarié d’apporter des ressources financées par l’employeur au syndicat de son choix ». Enfin, le gouvernement s’engage à favoriser l’engagement syndical par sa reconnaissance dans les carrières, la lutte contre la discrimination syndicale et la présence d’« administrateurs salariés ». Le tout favorisant le syndicalisme d’accompagnement.
Enfin les modifications de son financement et de sa gestion annonce un bouleversement du dispositif d’assurance chômage.
Encore dialoguer ? Ou combattre ?
L’attitude des organisations syndicales ne fait que renforcer cette détermination. Du côté de la CFDT, CFE-CGC, CFTC et UNSA et FO, la plupart des reculs peuvent faire l’objet de discussions sans fin et sans fond. Même sur le plafonnement des indemnités patronales, la CFDT et même FO admettent que « ça dépend du niveau du plafonnement, et il faudrait prévoir une forme de dérogation pour donner au juge une possibilité d’appréciation ». Et en ce qui concerne la mise en œuvre du compte pénibilité, censée constituer une « ligne rouge » pour la CFDT, Berger feint d’ignorer que son report n’est rien d’autre qu’une mise au rencart définitive.
Pour la CGT, la radicalité du discours de refus des réformes annoncées est rendue bien inconsistante par la modestie des propositions de mobilisations. La dernière réunion de la Commission exécutive confédérale a fait l’objet de discussions affligeantes. D’abord le constat : « Au printemps 2016, de nombreux sondages d’opinion annonçaient que 70 % de la population était opposée à la loi El Khomri. Un an plus tard, les trois candidats sortis en tête des élections présidentielles regroupant respectivement 24, 21 et 20 % des suffrages exprimés sont issus de formations politiques qui n’ont à aucun moment soutenu le mouvement social, bien au contraire »... Ensuite, la perspective immédiate : « peser sur les élections législatives ou leurs candidats comme on a pu le faire aux présidentielles et cela tout en restant dans nos prérogatives syndicales ». Le résultat consiste en de vagues propositions de mobilisations pour la troisième semaine de juin, sans revendications, sans calendrier, susceptibles de permettre la construction d’une large mobilisation, de fait reportée à septembre…
Des rencontres avec Macron et Philippe, les responsables syndicaux ne semblent avoir retenu que le « bon climat », « la franchise des échanges » et la possibilité de gratter une semaine de plus de dialogue social, soit six à huit semaines… en plein été !
Le gouvernement s’appuie sur cette bonne volonté pour chercher à éviter que ne se constitue un front sur un sujet rassembleur. Face à cette offensive du gouvernement, il devient de plus en plus urgent de marquer un coup d’arrêt, avant les congés, par une mobilisation unitaire et massive. Le premier pas vers une confrontation incontournable.
Robert Pelletier