La participation de plusieurs dizaines de milliers de personnes aux manifestations du jeudi 15 septembre à Paris et en région a montré que la colère contre la loi et son monde reste intacte.
Pourtant, les médias s’étaient acharnés à faire de cette journée l’enterrement de la mobilisation contre la loi travail. Et surtout, depuis les dernières manifestations de début juillet, le gouvernement s’est appuyé sur les attentats qui ont marqué l’été à Nice, puis à Saint-Étienne-du-Rouvray, pour tenter de faire oublier la forte contestation de sa politique tout au long du printemps, n’hésitant à rajouter une couche de démagogie sur fond d’islamophobie avec l’odieuse campagne contre le burkini.
PrésentEs !
Misant sur sa conviction d’une manifestation croupion, à Paris, le gouvernement n’avait pas reconduit à l’identique l’encadrement policier des cortèges. Si l’accès à la place de la Bastille était complètement verrouillé, les rues adjacentes au parcours et l’accès à la place de la République étaient étonnamment libres jusqu’à une heure proche du départ. Mais la présence policière, moins massive en tête de manifestation, était tout aussi insupportable, se plaçant au cœur du cortège, sur les côtés, au contact permanent des manifestantEs. Une attitude, délibérément provocatrice, seule responsable des affrontements, dont le premier qui se déroula juste à la hauteur du point fixe du NPA...
Le cortège parisien gardait à peu près les mêmes caractéristiques qu’avant la coupure estivale : bonne tenue de Solidaires, le plus gros des troupes sous les ballons (toutefois très proches les uns des autres) de la CGT, une FSU squelettique et Force ouvrière en recul. Devant le « cortège officiel », les cortèges « inter-luttes » et jeunes ont conservé leur dynamisme. Et une fin de manifestation assurée par Lutte ouvrière.
Si les slogans contre la loi travail restaient majoritaires, la dénonciation plus large du gouvernement, des plans de licenciements et de la répression étaient très présents. Un public fait essentiellement de militantEs, avec des cortèges d’entreprises en faible nombre et des effectifs dépassant peu les équipes syndicales et militantes. Et un bon accueil des tracts du NPA, avec des clins d’œil à l’attention d’Olivier Besancenot et de Philippe Poutou présents sur le point fixe.
En région, la mobilisation fut du même ordre, souvent plus importante que la dernière manifestation de juillet mais plus faible que les précédentes. Le seul contre-exemple est... Belfort où, avec 2 000 manifestantEs dans la foulée d’une délégation nombreuse des salariéEs d’Alstom, la colère s’est exprimée contre l’annonce de la suppression des 400 postes de l’usine (voir article en page 3).
L’arme au pied
Au final, le sentiment est que l’on passe à une nouvelle phase de la lutte contre la loi travail. Le refus des confédérations de proposer une nouvelle journée nationale n’est pas étranger à ce sentiment. Mais la volonté d’en découdre reste forte. Cette colère pourrait bien s’exprimer au-delà de la judiciarisation de la lutte, de la bataille branche par branche, entreprise par entreprise, évoquées en particulier par le CGT. Car la mise en œuvre de la loi travail aura inévitablement dans des délais variables des conséquences sur les conditions de travail, les rémunérations. La colère emmagasinée pourrait alors s’exprimer violemment contre cette mise en application concrète.
Le deuxième terrain sur lequel la colère pourrait s’exprimer est celui de la fermeture de sites, de licenciements, de suppressions de postes dans la fonction publique. Des batailles jamais simples, mais la multiplication des suppressions d’emplois pourrait bien favoriser des mises en commun, des convergences tant en termes de dates que de revendications unificatrices telles que l’interdiction des licenciements ou la réduction massive du temps de travail.
Et puis de Flamanville à Notre-Dame-des-Landes les mobilisation écologistes ont toutes les (bonnes) raisons de se poursuivre. Tout comme la solidarité avec les migrantEs confrontéEs à une honteuse politique raciste, chauvine et xénophobe.
Mais surtout, l’actualité immédiate devrait être faite des mobilisations contre une répression placée au coeur de la politique gouvernementale, qui bien sûr conforte le patronat dans sa volonté de s’engager sur la même voie. De l’inspectrice du travail de Tefal aux Goodyear en passant par Air France sans oublier les dizaines de manifestantEs jugés dans tout le pays pour avoir manifesté, bloqué, résisté, les occasions de dénoncer la répression vont être (trop) nombreuses. Avec l’idée là aussi de solidariser, de regrouper, de faire converger.
Le refus, largement partagé, de se laisser prendre dans la nasse électorale devrait être largement alimenté par ces combats dont l’issue est fortement liée à notre capacité à élargir, approfondir la mobilisation au-delà de celles et ceux qui ont combattu « en première ligne » la loi travail et son monde...
Robert Pelletier