Le Journal officiel a publié, le 6 septembre 2018, la loi sur l’apprentissage et le chômage, intitulée « Pour la liberté de choisir son avenir professionnel ». Il s’agit, « après les ordonnances réformant le Code du travail, de la deuxième pierre de la rénovation du modèle social », selon Muriel Pénicaud, la ministre du Travail. Mais Macron a estimé que cette loi ne permettait pas d’atteindre pleinement son objectif de démolition des acquis sociaux. La ministre a donc annoncé qu’il était nécessaire d’aller plus loin « car le texte ne prévoit pas une réforme systémique de l’assurance-chômage ». Une nouvelle loi est donc en cours d’élaboration.
La première loi est issue de l’accord national inter-professionnel (ANI) du 22 février 2018, signé par tous les syndicats « représentatifs », sauf la CGT. Les décrets d’application devraient être publiés d’ici la fin de l’année. Des millions de sans-emplois seront concernés : au deuxième trimestre 2018, en France métropolitaine, le nombre de personnes inscrites à Pôle emploi (toutes catégories) s’établissait à 5 627 900. La moitié d’entre elles ne bénéficie pas des indemnités.
Fiscalisation du financement sans la contrepartie promise
Depuis le 1er janvier 2018, il n’y a plus de cotisation salariale maladie et la part salariale (0,95 %) de la cotisation chômage sera à son tour supprimée le 1er octobre. Macron justifiait cette fiscalisation par sa promesse d’universaliser l’indemnisation du chômage, c’est-à-dire de permettre à touTEs les privéEs d’emplois, qu’ils et elles soient indépendantEs, agriculteurEs ou salariéEs démissionnaires, d’en bénéficier. En réalité, sur près de 3 millions d’indépendantEs, moins de 30 000 en bénéficieront. L’estimation du nombre de salariéEs démissionnaires est de 400 000 chaque année, mais ils et elles seront entre 20 000 ou 30 000 à toucher l’indemnité de 800 euros, et ce au maximum pendant six mois. Le gouvernement se serait rendu compte que cette mesure coûteuse était en contradiction avec sa volonté d’une baisse drastique du financement de toutes les allocations sociale ; il a donc mis des conditions draconiennes pour limiter considérablement la -portée de cette promesse électorale.
Étatisation de l’UNEDIC et flicage
La gestion étatique était aussi présentée comme une contrepartie à l’extension de la couverture à toute la population active. Elle permettra seulement au gouvernement de renforcer son contrôle. Il sera encore moins possible de prendre des décisions importantes sans l’aval du gouvernement, il n’y aura plus de débat avec les syndicats ni de minimum de contrôle. Alors que Pôle emploi manque de moyens pour accueillir et accompagner les chômeurEs, 800 agentEs vont être affectés d’ici 2020 à leur contrôle tandis que 4 000 emplois (10 % des postes) seront supprimés. Il y aura plus de radiation pour « recherche insuffisante », « l’offre raisonnable d’emploi » va être redéfinie, les critères « raisonnables » seront définis entre le ou la demandeurE d’emploi et son conseiller référent, et il ne sera effectivement plus possible de refuser un emploi plus d’une fois.
Une deuxième loi pour « réduire la dette » et changer de fond en comble le système
Devant les parlementaires réunis en congrès, Macron a demandé que la loi qui était en cours de débat à l’Assemblée soit modifiée. Le document de cadrage qui indiquera les grandes lignes de la réforme sera remis aux syndicats « autour du 20 septembre ». La ministre insiste particulièrement sur la nécessité de réduire l’endettement de l’UNEDIC : « le débat portera sur le niveau et la rapidité de ce désendettement […]. Nous allons discuter avec les partenaires sociaux des voies et moyens de le faire ». Elle invite donc les dirigeants des confédérations à débattre des moyens de diminuer les indemnités chômage, leur durée, leur montant, leur plafond...
« Le document de cadrage des négociations devra envisager de nouvelles modalités d’indemnisation du chômage afin de revoir l’articulation entre assurance et solidarité, le cas échéant par la création d’une allocation chômage de longue durée. » L’assurance sociale (Sécu, Pôle emploi) transforme des risques individuels (maladie, chômage…) en risques collectifs, en distribuant des prestations lorsque le risque survient aux personnes ou aux familles qui ont versé la part socialisée de leur salaire (la cotisation sociale) à l’URSSAF. La solidarité nationale, ou assistance, est un secours public qui répond à une logique différente, par exemple le RSA versé à des personnes ne disposant pas d’un minimum de revenus, indépendamment de toute cotisation. L’indemnisation financée par un impôt (CSG, TVA…) est forfaitaire, la somme versée aux demandeurEs d’emploi n’est alors plus proportionnelle au salaire, les plus pauvres ont droit à un niveau minimal de prestations tandis que ceux qui ont les moyens souscrivent à des assurances privées. L’allocation chômage de longue durée pourrait inaugurer ce dispositif destiné à s’étendre à toutes les prestations de Pôle emploi et de la Sécurité sociale.
S. Bernard