Publié le Vendredi 12 novembre 2010 à 22h54.

Non à la fusion des hôpitaux de Creil, Senlis, et Liancourt

Entretien avec Paul Cesbron, gynécologue-obstétricien retraité, ancien chef de service de la maternité du centre hospitalier de Creil et fondateur du comité de défense de l'hôpital de Creil.

Le 5 novembre à Senlis (Oise), vous avez tenté de rencontrer le directeur de l'ARS, Christophe Jacquinet, pour lui parler de la fusion entre les hôpitaux de Creil, Senlis et Liancourt. Comment cela s'est-il passé ?

On n'a pas pu lui parler mais on était là pour l'accueillir ! Il y avait du personnel CFDT de Senlis, des gens de l'hôpital Paul-Doumer de Liancourt et le Comité de défense de l'hôpital de Creil. On était une quinzaine mais il est passé à travers nos mailles, il ne nous pas reçus.

Le but était essentiellement de rencontrer les travailleurs de l'hôpital de Senlis, de faire converger nos luttes qui s'opposent, tant pour le personnel de Creil, de Senlis ou de Paul-Doumer, à la fusion de ces trois établissements. Cette fusion est en route, elle a commencé, l'ARS a été très claire à ce sujet, en attendant d'ailleurs la suite, la fusion éventuellement d'autres établissements.

Dans le cadre de notre territoire de santé, ça va se limiter à Creil, Senlis et Paul-Doumer. L'hôpital de Clermont-de-l'Oise sera certainement avalé par Beauvais. Voilà la situation, qui est grave et qui est celle de toute la France aujourd'hui.

La fusion a été votée par le conseil de surveillance, notamment par Jean-Claude Villemain, maire de Creil…

Soyons clairs, il n'y avait pas possibilité pour le conseil de surveillance et sur le plan réglementaire d'une opposition réelle sur ce plan. Mais on regrette le vote du conseil de surveillance qui facilite le travail de l'ARS. Surtout au regard des travailleurs de l'hôpital de Creil qui ont le sentiment que si le maire a voté cette convention, c'est sans doute pour le bien de la population…

Pour nous, c'est un recul très dommageable, d'autant plus que nous avions huit membres du conseil sur quinze qui sont membres du comité de défense. Le maire de Creil a pris une décision contraire à ses engagements antérieurs, il a d'ailleurs donné sa démission du comité de défense.

Apparemment, il a négocié une maternité en échange ?

Je pense que c'est une négociation régionale qui nous échappe totalement. On n'en possède pas les éléments. Ce n'est que par déduction, sur la base des menaces qui pèsent essentiellement sur Noyon et Clermont, à l'échelle du département, qu'on devine que des négociations se font dans les cabinets de l'ARS et éventuellement du conseil général (CG). Le président du CG est aussi président du conseil d'administration et de surveillance de l'hôpital de Clermont. Il sait que cet hôpital est très menacé. La volonté de l'ARS est de le faire disparaître. C'est-à-dire les services de médecine, de chirurgie et d'obstétrique. Restera vraisemblablement un service de gériatrie, de rééducation, de soins palliatifs, peut-être d'alcoologie.

Le président du conseil régional, Claude Gewerc (PS), apparaît aux yeux de la population comme un défenseur de l'hôpital général et ne souhaite pas sa mise en pièces. Il a obtenu théoriquement la possibilité d'une construction d'un hôpital à Clermont. Ce projet s'intègre au projet d'aménagement de l'hôpital psychiatrique de Clermont et de la construction d'une grande infirmerie qui prendra en charge les pathologies somatiques des malades psychiatriques qui sont très nombreux.

Donc, on en est à des supputations sur le plan régional, et je ne parle là que de l'Oise, mais la Somme et l'Aisne sont également concernées (Péronne et Chauny sont menacés de fermeture, Abbeville a fait l'objet d'une OPA du privé sur le public). Ce qui est en cause, c'est purement et simplement la suppression de tout le service public, à l'exception du CHU d'Amiens. Ce sont de grosses manœuvres, lourdes. Il est tout à fait évident que pour défendre nos hôpitaux de proximité, il faut des mobilisations locales. Les batailles au niveau régional ne suffisent pas, il faut des batailles de proximité. Ce sont là les vraies batailles, démocratiques, qui mettent au travail une réflexion de terrain sur les besoins de la population et la nécessité de ces hôpitaux. Voilà ce que nous souhaitons.

Vous êtes bien soutenus par la population ?

Le comité de défense est constitué d'environ 350 adhérents, depuis un peu plus de deux ans d'existence. Cela représente un réel soutien. On le voit d'ailleurs dans les débats, la population est très attachée à cet hôpital. La difficulté pour nous à Creil, c'est qu'elle n'a pas le sentiment d'une menace réelle contre l'hôpital puisqu'il fait l'objet d'une extension. Cela paraît contradictoire de défendre l'hôpital contre des mains qui n'apparaissent pas clairement.

Un des objectifs du maire de Creil, je pense, est de sauver l'hôpital de Creil en faisant le sacrifice de celui de Senlis. Mais il est parfaitement conscient que la disparition de l'hôpital de Senlis va laisser le terrain libre au secteur privé. Une opération de privatisation importante fragiliserait l'hôpital de Creil lui-même, qui connaît déjà de réelles difficultés. D'une part, le manque de lits ; les urgences sont en permanence en surcharge. L'extension devait amener 100 lits supplémentaires, il n'y en aura que 50. D'autre part, le personnel est extrêmement serré et doit même être réduit, ce dont se défend l'ARS. La réduction du personnel est déjà en route à Senlis. Le directeur, Duval, qui était directeur-adjoint à Amiens, avait pour fonction de casser toute forme de riposte du personnel de Senlis et de le réduire, par le biais d'un incitation au départ, du non-remplacement des départs en retraite et de la réduction, dans un premier temps, du personnel administratif et technique des hôpitaux de Creil, Senlis et bientôt Paul-Doumer. Dans un deuxième temps, l'ARS souhaite réduire le personnel soignant d'abord à Senlis puis à Creil.

Comment se positionne le maire UMP de Senlis, Jean-Christophe Canter ?

Il a une position très faible sur le plan politique. Son nom apparaît en permanence dans des affaires pas claires… Il était opposé à la fusion mais il l'a laissée faire, théoriquement réduite à la fusion administrative des deux hôpitaux. Il s'agissait évidemment d'une stratégie de dissimulation de la part de l'ARS qui disait ne vouloir fusionner que les administrations. Donc ceux qui sont en situation de faiblesse disent «Ce n'est pas très grave, c'est même une attitude raisonnable qui consiste à mutualiser les administrations des hôpitaux…» Mais ça veut dire augmentation du chômage des personnels. Et on sait bien que, dans toute la France, toutes les fusions administratives sont le point de départ d'une fusion des services d'hospitalisation.

Propos recueillis par Gilles Pagaille et Iris Ben