Les députés viennent d'achever l’examen et le vote du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) 2020, il sera ensuite débattu au Sénat. Malgré les états d’âme d’une partie de sa majorité qui, en commission, avait contribué au rejet du texte, le gouvernement a réussi à le faire adopter sans modification significative. Il confirme ainsi la détermination du pouvoir à ne rien lâcher sur sa politique d'austérité à préparer le big bang de la Sécurité sociale voulu par Macron.
Le gouvernement est resté « droit dans ses bottes » et a maintenu sa décision d'économiser cette année encore 4,2 milliards sur les dépenses de santé. Avec une enveloppe fermée qui n'augmentera que de 2,1% (la simple reconduction des moyens nécessitant plus de 4%), les quelques gestes qui seront faits pour les unEs se feront sur le dos des autres. 5000 postes doivent être créés en EHPAD, quand il en faudrait 200 000 pour atteindre la norme jugée indispensable de 1 salarié pour 1 résident ! À ce rythme il faudrait 40 ans pour y parvenir !
Quant aux retraités, malgré les légers déblocages obtenus par le mouvement des gilets jaunes pour les plus petites retraites (réduction de la CSG, réindexation sur la hausse des prix), la plupart d'entre continueront de voir le pouvoir d'achat de leur pensions diminuer.
En finir avec la « Sécu »
Mais le PLFSS 2020 ne se contente d'imposer de nouveaux reculs à la protection sociale, il apporte sa contribution à l'un des objectifs principaux du pouvoir pendant ce quinquennat : en finir avec la "Sécu", pour instaurer une assistance minimum aux pauvres assurée par l’État.
Malgré les attaques qu'elle a subi, la Sécurité sociale reste une institution autonome de l’État :
- Ses ressources proviennent encore majoritairement de cotisations sociales versées par les employeurs ;
- Elles ne peuvent financer que les prestations sociales (retraites, santé, allocations familiales, accidents de travail).
Mais Macron entend, au cours de son quinquennat, opérer une rupture irréversible en effaçant les frontières entre la Sécu et l'État.
La loi de financement de la sécurité sociale 2020 lui en fournit l’occasion. Le pouvoir a ainsi, tout d’abord, obligé la Sécurité sociale à assurer le financement des mesures « Gilets jaunes » (exonérations de cotisations sur les heures supplémentaires ou sur la prime de fin d’année, pas de compensation de la diminution de la CSG…), qu'il a refusé d'imposer au patronat sous forme d'augmentations de salaires. Il a ainsi créé de toutes pièces un « déficit ». Et lors du débat parlementaire, il s'est refusé, malgré les demandes de députés, y compris de la majorité, à faire assurer la compensation de ces mesures par l'Etat, comme le prévoit loi dite « Veil » de 1994. Pour justifier sa position, le ministre Darmanin n'a pas hésité à déclarer : « Pour les Français, c'est la même poche, les mêmes impôts, la même dépense ».
Le pouvoir assume ainsi le fait que les cotisations des assuréEs sociaux peuvent être détournées de leur but pour être utilisées avec d'autres objectifs, ou pour boucher n'importe quel déficit budgétaire selon les choix du moment du gouvernement
En cohérence avec le projet de réforme des retraites, qui les sort du cadre de la Sécurité sociale, et avec la gestion de l'assurance chômage, désormais sous la coupe de l'État, le débat sur le PLFSS montre la volonté du pouvoir d'en finir au plus vite avec la Sécurité sociale dont la défense est le trait d'union des grands combats qui s'annoncent dans la santé ou pour les retraites.
Jean-Claude Delavigne