Ainsi donc un groupe d’experts « indépendants » préconiserait de mettre fin à la revalorisation automatique du Smic, fondée sur, d’une part, la progression, sur douze mois, de l’indice des prix (hors tabac) pour les 20% de ménages les plus modestes et, d’autre part, la moitié de l’évolution annuelle du pouvoir d’achat du salaire horaire de base ouvrier et employé.
Ce groupe d’experts, présidé par le macronien Gilbert Cette, propose de façon préférentielle la fin des augmentations automatiques annuelles. On reviendrait ainsi à une situation pire qu’avant les grèves de 1968. D’autant que le Smic est seulement une garantie horaire et non mensuelle : pour les temps partiels (plus souvent des femmes), une telle réforme, ce serait la double peine.
Gilbert Cette est de ceux qui affirment qu’on « n’a pas tout fait contre le chômage de masse » et réitère que le mode de revalorisation du Smic est « plus contraint que dans aucun autre pays développé », ce qui est « préjudiciable pour l’emploi des actifs les moins qualifiés et les plus fragiles ».
Tous ces arguments ressassés chaque année sont tout aussi régulièrement contestés. Le plus redondant est celui de la compétitivité, qui est balayé par une réalité : cinq salariéEs payés au Smic sur six travaillent pour le marché intérieur, donc pas sur des secteurs exportateurs. Les autres arguments sur l’impact sur les salaires et la hiérarchie n’ont jamais été probants, et ce sont plutôt les exonérations de cotisations sociales patronales qui créent des « trappes » à bas salaires en raison du barème de ces allégements, qui sont plus élevés au niveau du Smic. Le Smic est la rémunération d’un travail alors que les minima sociaux sont des instruments qui protègent de la pauvreté non salariale, même s’ils remplissent de moins en moins bien cette fonction.
À l’heure où les dividendes sont en hausse et les bénéfices des sociétés du CAC en progression, s’attaquer au Smic relève de la provocation sociale et politique. Une raison de plus pour préparer la riposte contre les prochains reculs programmés sur l’assurance chômage ou les retraites, sans renoncer au retrait des ordonnances.
Robert Pelletier