Publié le Vendredi 13 juillet 2018 à 14h48.

Quand les impôts financent les licenciements et les suppressions de postes

Non seulement les entreprises licencient ou suppriment des postes, mais elles le font avec le renfort de fonds publics, dont certains sont censés être destinés à préserver les emplois.

Ces dernières années, les entreprises ont eu droit à un véritable « ruissellement » des aides publiques. Les gouvernements qui se sont succédé, de ceux de Sarkozy et Hollande à celui de Macron, ont fait preuve d’une imagination prolifique pour distribuer les aides publiques aux entreprises. 

200 milliards d’euros du public vers le privé

Pour avoir un ordre d’idée, en février 2018, un article de Mediapart recensait 1 624 aides publiques aux entreprises, dans 10 domaines différents. Le portail gouvernemental aides-entreprises.fr en annonçait 1 714 le 4 juillet. On ne dispose d’aucun chiffre pour savoir si cette prolifération crée des postes spécifiquement dédiés au montage de dossiers pour décrocher le maximum de ces aides, nationales, locales ou européennes. En revanche, ce qui est avéré, c’est que sur une année ce sont environ 200 milliards qui passent des caisses publiques aux caisses des entreprises privées.

Ce qui est également connu est le nombre des licenciements et suppressions de postes déjà effectuées et ceux programmés par les entreprises qui accaparent la grosse part du gâteau de l’argent public. Ainsi, en 2015, La Poste touchait 341 millions de « Crédit impôt compétitivité emploi » (CICE) et supprimait 6 284 postes ; en 2014, la SNCF touchait 318 millions et supprimait 1 400 emplois, avec comme objectif 10 000 suppressions d’ici à 2020 ; Carrefour a touché en 2017 autour de 400 millions de CICE et d’exonération de charge et annoncer en début 2018 vouloir supprimer 4 500 emplois. La BPCE qui a touché des centaines de millions du CICE détient avec 4 000 suppressions de postes le record dans le secteur bancaire. On pourrait continuer la liste si une réelle transparence existait. Ainsi Michelin, qui se fait particulièrement discret sur le montant des aides reçues, a annoncé il y a un an 1 950 suppressions de postes d’ici à 2020, dont 1 500 en France. De même pour Airbus qui a annoncé 3 700 suppressions d’emplois dont 470 en France. 

Contester l’appropriation privée 

Et ce ne sont là que des chiffres partiels, pour l’essentiel ceux liés au CICE, mais les entreprises cumulent, avec le crédit impôt recherche, les aides européennes et/ou régionales et locales. Sans même parler des exonérations de cotisations sociales d’autant plus importantes que les salaires sont bas…

Depuis 30 ans, non seulement les études n’ont pas prouvé que ces aides multiples aient en quoi que ce soit protégé les emplois des salariéEs, mais même lorsque certains rapports le font, ils sont obligés de reconnaître le coût ubuesque des emplois prétendument créés, qui se monterait à 200 000 euros pour un emploi ! Nombreux sont celles et ceux qui, dès lors déplorent le manque de contrôle ou de transparence. Ce qui serait le minimum, mais la vraie question est celle de la publicité réelle des comptes des entreprises, et surtout le contrôle que seulEs les salariéEs pourraient imposer sur les choix d’investissements et de production, non pas en fonction des profits mais de l’utilité sociale de leur travail. Ce qui revient à contester le droit de propriété des capitaux. Ce droit qui impose l’intérêt des actionnaires contre les conditions de travail et l’emploi des salariéEs mais aussi au détriment de l’ensemble de la population. En effet, la population paie, par ses impôts qui alimentent les dividendes des actionnaires, mais aussi en tant que consommateurE. C’est pour cela que la lutte contre les suppressions d’emplois et les licenciements n’est pas la seule affaire des salariéEs menacés immédiatement, mais de toutEs celles et ceux qui ne veulent pas laisser le gouvernement enrichir les très riches qui n’en ont jamais assez.

Cathy Billard