La ministre du Travail le dit et le répète, elle ne cédera pas à la rue et ne retirera pas la loi travail. Depuis bientôt deux mois, c’est pourtant la rue, c’est-à-dire les manifestations, qui sert de baromètre à la mobilisation contre cette loi qui entraînerait des reculs sociaux décisifs.
Le mercredi 9 mars fut un peu une divine surprise avec des cortèges importants et combatifs, cela alors que l’appel reposait au départ sur la seule pétition contre le premier projet de loi, avec des syndicats notamment CGT peu disposés à engager la bataille. Jeunes et équipes syndicales ont alors transformé de simples rassemblements en manifestations combatives.
La fixation de la journée nationale au 31 mars a suscité de nombreux débats : trop « loin » ou donnant du temps pour mobiliser ? Les journées intermédiaires des 14 et 21 mars, initiées par les organisations de jeunes, certains syndicats, associées à l’émergence des Nuits debout, ont assuré la permanence de la mobilisation, parfois même son élargissement.
Avec plusieurs centaines de milliers de manifestantEs, le jeudi 31 mars aura marqué une progression significative de la mobilisation. Dans la foulée, les manifestations du samedi 9 avril, censées permettre un élargissement, furent plutôt un palier pour un mouvement semblant marquer le pas. Entre deux, le gouvernement tentait de démobiliser le mouvement en concédant quelques reculs ne touchant pas à l’essentiel.
Un palier difficile à franchir
Nouveaux débats autour de la date du jeudi 28 avril, de nouveau trop loin, trop mou ? Au lendemain d’un congrès de la CGT où la détermination des équipes syndicales imposait à la direction confédérale une certaine radicalisation, le bilan de la journée de grève et de manifestations du 28 avril était contrasté, avec deux fois moins de manifestantEs que le 31 mars.
Dans les jours précédents, le gouvernement s’était livré à une nouvelle opération de déminage en accélérant les négociations autour du mode d’indemnisation des intermittentEs du spectacle. Un accord qui, bien que suspendu à sa validation par les « partenaires sociaux » dont le Medef, a démobilisé un secteur combatif et fédérateur.
Au total, des cortèges dynamiques mais numériquement affaiblis, notamment en raison des congés scolaires et de la non-reconduction de la grève, pourtant massive, du 26 avril à la SNCF, du fait du refus de la fédération CGT de lier les combats contre la loi travail et sa déclinaison à la SNCF, le décret-socle. Mais une combativité maintenue s’exprimant par des blocages, de Gennevilliers (92) au Havre (76) souvent en lien avec les Nuits debout.
Mais c’est surtout le développement des violences policières qui est le marqueur des dernières manifestations. Il est devenu presque banal que les cortèges syndicaux soient précédés de plusieurs rangs de flics-Robocop, que les cortèges soient bloqués, disloqués, empêchés d’aller jusqu’à leur point de destination, avec une recherche du contact physique en véritable provocation permanente. Le tout dans le cadre d’une violente offensive politique contre les syndicats qui s’accompagne d’une systématisation des arrestations, notamment de jeunes, avec des centaines de manifestantEs blessés dont certainEs gravement, ainsi que des centaines d’arrestations.
Un nouveau souffle ?
Les traditionnelles manifestations du dimanche 1er Mai se sont inscrites dans les mêmes logiques. Des cortèges numériquement stables et une combativité maintenue, et une nouvelle escalade dans les violences policières, avec des forces de police omniprésentes. Et avec en prime la limitation des autorisations pour les Nuits debout de Paris.
Les quelques milliers de manifestantEs rassemblés ce mardi 3 mai, jour du début du débat à l’Assemblée nationale, témoignent d’une disponibilité elle aussi maintenue des équipes militantes qui peinent toujours à entraîner plus largement autour d’elles. Dans les rangs des manifestantEs, on se consulte sur les rumeurs de négociations « secrètes » engagées par FO ou la CGT... Les interventions de Mailly et Martinez sont prises pour argent comptant, avec notamment un appel à une nouvelle journée de mobilisation le jeudi 12 mai.
Pour certainEs, l’idée que la loi pourrait ne pas passer à l’Assemblée expliquerait l’attentisme encore largement partagé, et pourrait laisser la place à un possible rebond appuyé sur un nouveau souffle envoyé par les cheminotEs. TouTEs ensemble.
Robert Pelletier