Publié le Dimanche 1 mai 2016 à 13h23.

Qui nous protège de la police ?

Symptomatique d’un malaise et d’un ressentiment croissants du mouvement social et d’une large partie de la population envers les exactions de la police, la polémique engagée autour de la publication d’une affiche du syndicat Info’Com de la CGT dénonçant ces dernières mérite quelques commentaires...

«Tout le monde déteste la police ! » Scandé dans chaque manifestation ou chaque action, ce slogan fédérateur est l’expression d’une rupture radicale de la jeunesse avec « les forces de l’ordre » et ceux qui les commandent. Car qui, depuis la proclamation de l’état d’urgence, dans le mouvement n’a pas eu à subir les violences policières ? Gazages systématiques, tirs de flash-ball, coups de tonfa à volonté, des milliers de jeunes sont victimes directement ou connaissent dans leur entourage des gens qui ont été blessés, humiliés, traqués, nassés, gardés à vue... Des dizaines de vidéos tournées un peu partout en France en témoignent et circulent sur les réseaux sociaux. Alors oui, le malaise est profond, et le divorce consommé ! Mais cette volonté de terroriser ne marche plus, et ce sont par centaines que les manifestantEs n’hésitent plus à résister aux flics...

L’image d’Épinal d’une police au service de la population, des manifestants applaudissant les CRS lors de la grande manifestation œcuménique « Je suis Charlie » du 11 janvier, c’est bien terminé... Et il n’y a guère plus que l’ancien chanteur rebelle Renaud, qui chante dans son dernier album « J’ai embrassé un flic », qui puisse encore en douter.

Une affiche pourtant bien anodine

« La police doit protéger les citoyens et non les frapper »... Bien que les anticapitalistes ne doivent nourrir aucune illusion sur les vertus protectrices d’un corps répressif de l’État votant majoritairement pour l’extrême droite, ce texte n’est qu’un rappel basique de la mission des forces de l’ordre.

Personne un tant soit peu sérieux ne peut prétendre que depuis plus d’un mois, et à de multiples reprises, ce principe « républicain » n’ait été foulé aux pieds. C’est pourtant ce que fait le chœur indigné des amis de la police depuis plus une dizaine de jours. En première ligne, fonctions obligent, Jean-Marc Falcone, directeur de la police nationale, juge cette affiche « outrageante » faisant ainsi écho à son ministre de tutelle, Bernard Cazeneuve, qui lui la trouve « choquante ».

En seconde ligne, l’ensemble des forces politiques, de l’extrême droite au Parti socialiste. Eric Ciotti demande à Cazeneuve de porter plainte contre la CGT, et Nadine Morano éructe : « Honte à la CGT qui doit présenter ses excuses à la police. » Florian Philippot trouve cette affiche « immonde », et Cambadélis, secrétaire du PS, dénonce une « gauchisation de la CGT » : « Cette affiche fait partie de ce cours gauchiste où on veut une CGT pure, une CGT sans opposition, une CGT tellement radicale qu’à la fin, elle se regroupe autour de quelques personnalités qui sont en confrontation frontale [sic] avec l’ensemble de la société. »

Cette belle unanimité antisyndicale n’a pour objet qu’appeler le bureau confédéral de la CGT à se dissocier d’un syndicat en phase avec le mouvement, et plus généralement de constituer un « front moral » contre une contestation sociale qui prend de l’ampleur. Les anticapitalistes apportent un soutien sans réserves aux syndicalistes menacés, tout comme ils apportent leur soutien aux militantEs de la CNT qui ont vu leur local de Lille saccagé par le police le 20 avril dernier.

« Désarmons la police ! »

C’était déjà en 2009 le texte d’une des premières affiches du NPA. Certains nous accusaient alors de provocation, alors que les « bavures », les tirs parfois mortels de taser ou de flash-ball dont étaient victimes des habitantEs des quartiers populaires se multipliaient. Ce n’était pourtant pas une fiction, la réalité l’a depuis prouvé.

On ne peut qu’être inquiets lorsque l’on assiste comme à Strasbourg le 9 avril à la répression d’un rassemblement Nuit debout par des CRS ultra-violents, appuyés par des militaires exhibant des armes létales et mettant en joue une foule pacifique. On ne peut qu’être inquiets lorsqu’on apprend que « pour réprimer les manifestations, émeutes et attentats », les CRS seront bientôt équipés de fusils d’assaut, et suivent d’ores et déjà une « formation » d’une semaine afin d’être opérationnels. On ne peut qu’être inquiets quand on apprend que la gendarmerie de Mayotte et celle de Calais ont été munis de chars anti-émeutes...

Nous ne voulons plus de cette armée et de cette police de guerre civile. Et partout nous organiserons l’auto-défense de nos rassemblements et manifestations.

Alain Pojolat