C’est le Premier ministre lui-même qui a porté le coup de grâce au « conclave » sur les retraites, pourtant mis en place lors de son arrivée au gouvernement.
En rejetant par avance toute remise en cause de l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans, imposé par la contre-réforme Macron ; il a délibérément renié l’engagement pris d’une discussion « sans totem ni tabou ».
Après FO, la CGT a quitté la table des négociations, tandis que la CFDT elle-même était contrainte de reconnaitre que le cadre fixé par le Premier ministre n’existait plus.
Dialogue social à froid
Le « conclave » avait pour principale fonction d’assurer la survie du gouvernement Bayrou en évitant la censure lors du vote des budgets de l’État et de la Sécurité sociale. Cette « concession » apparente sur la question des retraites, et le retour au « dialogue social » a fourni à la direction du PS le principal prétexte pour ne pas faire tomber le gouvernement, en lui permettant de poursuivre les politiques d’austérité d’Emmanuel Macron, désavouées dans les urnes.
Ce « dialogue social » à froid, sans aucune mobilisation, était en réalité sans risque pour le pouvoir et le patronat. C’était un marché de dupes pour les organisations syndicales et les salariéEs, somméEs d’accepter les exigences du Medef, faute de quoi l’absence d’accord aboutirait au maintien de la contre-réforme Macron.
Le conclave, dès le départ jugé inutile par les ultralibéraux macronistes et LR, a été emporté par la vague militariste de fin février, provoquée par le tournant de la politique internationale.
Balayé par l’économie de guerre
Les exigences de l’union sacrée, pour financer l’explosion des dépenses militaires sont devenues la nouvelle justification de l’offensive de destruction de la protection sociale et des services publics. La nécessaire solidarité avec le peuple ukrainien face à l’agression russe s’est transformée en prétexte indécent aux politiques d’austérité.
Gilbert Cette, président « indépendant » du COR (Conseil d’orientation des retraites) déclarait le 5 mars « l’entrée progressive, plus ou moins explicite, dans une économie de guerre, rendra secondaires sinon dérisoires les débats actuels sur l’âge de départ à la retraite à 64 ans ». Il ajoutait dans une tribune que « la question deviendra plutôt comment augmenter rapidement cet âge de départ au-delà des 64 ans décidés dans la loi de 2023… ».
Tandis que pour le gouverneur de la Banque de France : « Il faut arrêter la croissance des dépenses publiques et augmenter celle de l’économie [de guerre] »1.
Le conclave et ses faux-semblants n’avaient, dans ces conditions, plus de raison d’être, ce qu’a entériné la déclaration de Bayrou.
Se battre contre l’offensive des assurances privées
Alors que la direction de la CFDT tente par tous les moyens de préserver l’enlisement dans le « dialogue social » à froid, la question aujourd’hui posée est celle de la reconstruction d’une mobilisation unitaire, puisque l’objectif du patronat et du pouvoir s’affirme chaque jour de manière plus explicite. Pour eux, il ne s’agit plus seulement d’une attaque supplémentaire, mais d’en finir définitivement avec le système public et solidaire qu’est la Sécurité sociale, pour basculer vers les assurances privées : retraites par capitalisation et assurances santé privées. C’est le sens de la volonté du Medef d’élargir les négociations à l’ensemble du financement de la protection sociale. Se rassembler pour s’opposer à ce basculement désormais à l’ordre du jour, est un défi urgent pour la gauche sociale et politique.
J. C. Delavigne
- 1. Interview à BFM TV, le 20 mars 2025.