Publié le Lundi 31 octobre 2016 à 08h36.

Revenu de base : De l’utopie à « l’expérimentation » libérale

En ces temps de chômage, de précarité, de souffrance au travail, l’idée d’un revenu versé a tous, sans condition, et permettant de vivre décemment, peut faire rêver. Mais quand les institutions et les partis qui acceptent de gérer l’austérité s’en emparent, les réveils sont brutaux...

À droite, trois candidatEs à la primaire ont fait du revenu inconditionnel un élément de leur programme : Frédéric Lefebvre (recalé et rallié à Juppé), Nathalie Kosciusko-Morizet et Jean-Frédéric Poisson (qualifiés). Pour NKM, le revenu versé serait de 450 euros mensuels, financé par un impôt uniforme de 20 % (« Flat Tax » à la Thatcher) remplaçant l’impôt sur le revenu (qui proportionnellement taxe davantage les plus riches...). Poisson préconise de substituer le revenu de base à toutes les allocations sociales et familiales, « avec l’objectif de diminuer l’ensemble de ces dépenses de 10 % sans perte de pouvoir d’achat pour les familles ».

Du côté des écologistes, Yannick Jadot, arrivé en tête à la primaire, défend, lui aussi, un revenu au niveau de l’actuel RSA, qui serait financé essentiellement par une réforme de la fiscalité. Sa concurrente à la primaire écologiste, Michèle Rivasi, propose un revenu de 800 à 1 000 euros.

Parmi les candidats à la primaire du PS, seul Benoît Hamon fait, pour l’instant, du revenu inconditionnel un point clé de son programme. Marie-Noëlle Lienemann s’est uniquement prononcée pour un revenu de base « jeune » (jusqu’à 28 ans). Quant à Montebourg, qui évoquait l’idée dans un livre paru en 2012, il n’en parle plus aujourd’hui... Hamon envisage à terme (plus d’un quinquennat !) un montant de 750 euros. Pour aujourd’hui, il propose, lui aussi, un revenu de base au niveau du RSA socle (524 euros). Quant aux modalités de financement, elles restent floues. Impôt sur le revenu et différentes « niches fiscales » semblent les pistes explorées. Le même flou règne sur les garanties données pour le maintien de la protection sociale. Des flous qui ne sauraient rassurer, pas plus que sa conception du revenu de base comme moyen d’accompagner « la précarisation de l’emploi et la montée en puissance du travail indépendant »jugées inévitables...

Les « expérimentations » de la mission sénatoriale...

La mission sénatoriale sur le sujet a produit une montagne de papier, sous forme d’un rapport de plus de 400 pages remis le 13 octobre dernier1

  • 1. Rapport du Sénat disponible à l’adresse suivante : http://www.senat.fr/rap/…]. Mais elle accouché d’une souris : la proposition d’une « expérimentation » de 3 ans, ou plus exactement de trois variantes, dont une seule correspond véritablement à un revenu inconditionnel (au niveau du RSA). Les deux autres formules ne changent rien au système actuel d’aides humiliantes et stigmatisantes, accordées sous condition. Dans un cas, il faudrait justifier l’utilisation des 500 euros accordés, dans l’autre, il faudrait faire la preuve de sa bonne volonté à chercher un emploi ou une formation. Exactement ce que dénoncent – à juste titre – les défenseurs du revenu de base. En fait « d’avancée », le rapport sénatorial est plutôt un enterrement de première classe...

    Loin de l’outil annoncé permettant à la fois de vivre décemment, et de gagner de l’autonomie vis-à-vis d’un travail aliénant, les propositions du Sénat et des candidats aux primaires de « gauche » comme de droite, malgré leurs nuances, ne font qu’accompagner la précarisation de la société. Une réponse anticapitaliste au chômage, à la généralisation de la précarité, à la baisse des salaires, au démantèlement de la protection sociale, n’en est que plus urgente. Fondée sur un salaire ou un revenu de remplacement au moins égal au SMIC revendiqué – 1 700 euros net –, le partage du travail (et donc du temps de loisirs) entre touTEs et l’extension de la Sécurité sociale et du domaine de la gratuité, elle suppose une modification de la répartition des richesses entre salaire (direct ou socialisé) et profits. À l’opposé de toutes les solutions libérales.

    J.C. Delavigne