Depuis 1906, le code du travail prévoit que « le repos hebdomadaire est donné le dimanche ». à l’époque, cette loi avait été adoptée sous la pression de l’action syndicale et des mobilisations sociales...
Si le projet de loi Macron ne compte pas revoir cette formulation, il n’en constitue pas moins une pierre de plus sur le chemin de la déconstruction du droit du travail. Le principe du repos dominical est déjà remis en cause par de multiples dérogations. La nouvelle loi facilitera un peu plus encore le développement du travail le dimanche, en particulier dans le commerce.
Concrètement, que prévoit le projet de loi ? L’ouverture sur décision du maire 12 dimanches par an. Les commerces de détail non alimentaires pourront ouvrir, sur décision du maire, 12 dimanches par an au lieu de 5 actuellement. Sur ce point, il y a débat au PS : à partir de combien de dimanches travaillés est-on vraiment de gauche ? 7 selon Cambadélis… Macron est prêt à en discuter. Un faux débat puisque la loi va surtout élargir les possibilités offertes aux commerces d’ouvrir tous les dimanches. Explications.
L’invasion des Puces
Les Puces vont infester des zones entières. Actuellement, dans les zones appelées Puce (Périmètre d’usage de consommation exceptionnelle) que le préfet peut créer sur proposition du conseil municipal, et dans les « zones touristiques », les commerces de détail non alimentaires peuvent ouvrir tous les dimanches. On a vu ces dernières années des Puces fleurir un peu partout. Certaines ont même été créées dans des endroits où des inspecteurs du travail un peu trop zélés s’évertuaient à faire fermer des magasins ouverts illégalement. Les Puces n’ont donc en fait plus grand-chose d’exceptionnel. Le projet de loi prend acte de cette réalité et rebaptise les Puces « zones commerciales ».
En plus des « zones commerciales » et des « zones touristiques », le projet de loi crée des « zones touristiques internationales ». Elles se trouveront à Paris, notamment autour des Champs-Élysées. Toutes ces zones seront définies par arrêté ministériel. L’ouverture des commerces dans les gares pourra également être décidée par ce biais. Dans les trois types de zones, l’autorisation d’ouvrir le dimanche sera accordée de droit, sans formalisme particulier, et non comme auparavant sur autorisation préalable du préfet qui accordait la dérogation pour cinq ans.
Quelles garanties pour les salariéEs ?
Pour les salariés des commerces des « zones » précitées, la loi ne prévoit aucune contrepartie minimale, tout doit être prévu par accord. Or ces accords fixant les contreparties pourront être négociés dans la branche, dans l’entreprise ou même dans l’établissement. Donc au niveau où le rapport de forces est le plus défavorable aux salariés.
Autre garantie censée être donnée aux travailleurs : ils devront être volontaires. On se passera de commentaire sur cette notion de volontariat dans le rapport de domination qu’est le travail…
Seulement les commerces ?
N’oublions pas que le travail le dimanche est autorisé de longue date dans de nombreux autres secteurs que le commerce. Dans les hôpitaux ou les transports en commun bien sûr mais pas seulement : une longue liste prévue par le code du travail autorise tout un tas de secteurs très divers à faire travailler leurs salariéEs le dimanche. Ceci est censé être indispensable au bon fonctionnement de l’activité en cause. Mais pourtant, en quoi est-il réellement indispensable que les jardineries ou les services de vente de voyages par téléphone soient ouverts le dimanche ? Surtout que dans ces secteurs, aucune contrepartie n’est prévue pour les salariéEs !
Aujourd’hui, selon les données officielles de la DARES datant de 2011, 6 millions de salariéEs travaillent occasionnellement ou habituellement le dimanche, dont la moitié pour la deuxième option. En 20 ans, de 1990 à 2010, la part des salariéEs occupés le dimanche est passée de 20 à 30 %. Bref, on peut dire que le travail le dimanche est en train de devenir la norme. La loi Macron ne fait que renforcer cette tendance, signe d’un rapport de forces toujours plus favorable aux employeurs que seule une mobilisation d’ampleur pourra inverser.