Le 8 septembre, le mal-logement a tué, encore. Et montre hélas le chemin à faire entre l’urgence encore révélée par ce drame et le projet de loi sur le logement soumis au Parlement.À gauche, les appréciations sont dans le ton du « peut mieux faire ». Et la droite hurle sur l’augmentation des sanctions envers les communes « qui peinent à construire des logements sociaux » et juge « préférable d’encourager les maires "constructeurs" en zone tendue », donc qu’on laisse le logement social à sa place, et pas dans les jolies villes des riches !Alors, commençons par faire le point sur les améliorations proposées à la loi SRU : on passe de 20 à 25 % de logement social dans les 980 communes concernées (sur 36 000…), mais c’est pour 2020-2025, et on multiplie par cinq le montant des amendes aux villes qui ne respectent pas la loi. Mais il faut savoir que ces amendes ne sont pas automatiques, ce sont les préfets qui décideront de sanctionner. Passer de 20 à 25 % devrait permettre, selon le gouvernement, d’atteindre l’objectif de construire 150 000 logements sociaux par an (sur 500 000). Mais la moitié de ces constructions sociales pourront être dans la catégorie PLS - dont les loyers sont inaccessibles aux petits revenus (la grande majorité des 1,6 million de demandeurs). En 2011, un tiers des 110 000 logements sociaux construits étaient des PLS. C’est déjà trop, mais Cécile Duflot, dans la présentation au Sénat de la loi, indique : « pour renforcer l’effort en faveur des ménages les plus modestes, cet article limite à 50 % la part de logements financés en PLS ». « Limite » ? Alors que comme le demandent des associations comme le DAL ou la fondation Abbé-Pierre, il faut sortir les PLS du décompte des logements sociaux. Exemple de loyer PLS pour un F2, 44 m2, à Gennevilliers (92) : 585 euros hors charges.
L’autre mesure annoncée, la cession de terrains publics, renforce le sentiment que le gouvernement ne va pas dans le sens de favoriser d’abord et massivement le logement de ceux qui en ont le plus besoin, et qui ont besoin de loyers faibles. Sur ces terrains publics seront aussi construits des logements en accession à la propriété. Comme le dit le DAL, « Vendus moins cher, il n’est pas normal en cette période de crise grave du logement que la vente de terrains publics favorise la réalisation d’un patrimoine individuel, qui plus est avec possibilité de les vendre ou les louer au prix du marché cinq ans seulement après leur construction. » Les terrains publics doivent servir au logement public.
Cécile Duflot avait annoncé cet été la fin du dispositif Scellier, un rabais fiscal accordé aux investisseurs achetant des logements neufs afin de les louer, qui a surtout fait construire là où il y a peu de besoins. Que les promoteurs immobiliers se rassurent : une nouvelle niche fiscale est en vue ! Et au cas où on n’aurait pas compris que les Verts ont renoncé à leur juste critique du Grand Paris, le projet de loi confirme ce nouveau marché de la spéculation immobilière.Les logements vacants sont également visés par cette loi, mais seulement pour « alourdir » la taxe, alors que s’il faut donner un signal fort comme le dit la ministre il faut faire appliquer la loi de réquisition, et vite !Le point positif de ce projet de loi, c’est de donner un état des lieux et plein de chiffres actualisés. En voici quelques-uns, sans surprise sur la très forte hausse des coûts de l’habitat. Logement ancien entre 2000 et 2010 : 110 % en moyenne nationale, et jusqu’à 135 % en Île-de-France et 140 % en Paca. Dans le neuf, 94 % pour les appartements. Loyers : hausse annuelle moyenne de 3,4 % depuis 1984, deux fois supérieure à l’inflation. Et pour les loyers à la relocation, la progression depuis 2000 est en revanche de 50 % à Paris et de 43 % en petite couronne. La cause indiquée est le « manque d’offres », le besoin estimé de 500 000 logements supplémentaires par an n’a en effet jamais été atteint sur la décennie. Depuis 1997, la moyenne de construction annuelle est de 368 000 logements, soit moins de 75 % du besoin identifié (et donc sous-estimé). L’étude d’impact pointe aussi l’insuffisance du parc locatif social (4,51 millions de logements) et sa répartition déséquilibrée (l’Île-de-France regroupant, par exemple, 26 % du parc social, mais 30 % des « demandes actives »).
Le gouvernement annonce « une grande loi » en 2013, qui permettra de « mener toutes les réformes de fond » sur le logement et, au-delà, sur « la ville, l’urbanisme et l’égalité des territoires » et « donne le signal d’une mobilisation générale sur le front du logement ».Mobilisation générale, on est pour ! Et voici les mesures urgentes que le NPA propose, avec les associations, la plateforme des mouvements sociaux contre le logement cher, revenir à un important engagement financier de l’État, doubler tout de suite le plafond du Livret A et réorienter les fonds collectés et entièrement consacrés à la construction de logements sociaux vers la Caisse des dépôts, appliquer la loi de réquisition des immeubles et logements vacants, interdire les expulsions sans relogement, baisser le prix des loyers et des charges à 20 % du revenu de chaque ménage.
Isabelle Guichard