Les manifestations du 5 décembre contre le chômage ont rassemblé des milliers de chômeurs, précaires, sans-papiers et tous les salariés qui en font un combat important. Ces manifestations sont notamment l’aboutissement de semaines d’actions, dans plus de 50 villes en France, qui visaient à mobiliser les chômeurs, précaires et salariés en lutte contre les licenciements.
Les actions ont été multiples et ont montré la part d’imagination et d’humour indispensable à un tel sujet : mur de la précarité à Agen, actions contre la grippe précaire, occupation de la mairie de Brest (les multiples actions bretonnes ont d’ailleurs dû faire peur au pouvoir politique qui a violemment réprimé la manifestation pacifique du 5 décembre), occupation de Pôle emploi à Toulouse et Montreuil, intervention à la CAF à Tours, à la CPAM à Bordeaux, à EDF à Toulouse, occupation d’agences d’intérim, invasion de l’entreprise Altedia à Paris, «piqueteros» de grève devant un quartier à Toulon, etc.
La mobilisation trouve sa dynamique dans le rassemblement des générations : anciens militants d’AC ! toujours révoltés et au fait des réseaux militants, jeunes militants précaires apportant leur énergie pour de nouvelles formes d’actions, salariés confrontés aux licenciements. À ce titre, la présence de Xavier Mathieu, leader de Continental, à la manifestation du 5 décembre « comme nouveau chômeur», n’est pas anodine.
Ces actions ont su soulever localement des situations individuelles (annulation de trop perçus, par exemple) et collectives (accueil dans les Pôles Emploi, 3949). Elles ont aussi porté des questions sociales, telles que les discriminations à l’embauche, la nécessité de lois pour défendre les chômeurs dont les droits sont bafoués, l’opposition aux licenciements, les multiples précarités (soins, papiers, logement…) qui se combinent pour exclure toujours plus de gens.
Ces questions ne sont pas résolues. Ce rassemblement et renouvellement de forces militantes se veut être la première phase d’un mouvement qui reste à reconstruire. Le collectif Droits nouveaux appelle à continuer la résistance – notamment par les actions « fin de mois », à continuer à structurer un véritable mouvement contre le chômage et pour des droits nouveaux pour les combats à venir.
Nous vous livrons ici un panorama non exhaustif de ces quelques semaines de mobilisation.
Marche Auvergne 2009
Partout la précarité, partout la résistance
Du 20 au 28 novembre, à l’initiative d’un collectif d’associations, de syndicats et de partis, la Marche Auvergne 2009 contre le chômage, les précarités et les licenciements a traversé l’Allier, le Puy-de-Dôme, le Cantal et la Haute-Loire. Un groupe de militant-e-s est parti de Montluçon vers Le Puy, en faisant étape dans de nombreuses villes. Rien n’a manqué au programme : des pôle-emplois radiographiés (chiffres, nombre de dossiers, radiations, etc.), occupés ou transformés en lieu d’assemblées générales (AG) ; des usines en lutte, des débats, des moments de solidarité et de fête, la diffusion de nos revendications (discussions, tracts, médias), etc.
Une manifestation au Puy, la ville de Laurent Wauquiez, nous a une fois de plus démontré le mépris du « Ministre du chômage et d'la précarité ». Une occasion de dénoncer l'augmentation du chômage en Auvergne : 10 000 chômeurs de plus en un an, pour atteindre 74 000... contre 5000 offres d'emploi dans la région !
Nous avons marqué notre refus de la stigmatisation, des radiations et de ce qui est devenu un véritable régime politique : la précarité partout.
La marche aurait pu commencer le 16 octobre, place de Jaude à Clermont-Ferrand. Ce jour-là, au milieu de 500 tracteurs venus de tout le Massif-Central, le président du Conseil général du Puy-de-Dôme a promis aux paysans mobilisés de tout faire pour qu’ils puissent avoir droit au….RSA. Le 9 novembre, au même endroit, un groupe venu de l'«Hôtel des Vils», une auberge de jeunesse réinvestie pour l'action politique et culturelle, est venu «abattre le mur du chômage et de la précarité». Subversion à la fois grave et joyeuse qui allait annoncer la marche et donner confiance au collectif.
Cinq Pôle Emploi ont été occupés. Celui de Clermont a été investi pendant quatre heures. Celui d'Issoire a rassemblé les marcheurs, l'UL-CGT, les Valeo, les Alcan et les Bourbié – qui avaient lu, le vendredi précédent, la liste des 120 licencié-e-s affichée devant les ateliers. Nous leur avons porté le message de solidarité des Frulact de Saint-Yorre, qui occupent leur usine depuis le 7 octobre, et dont la lutte bouscule aujourd'hui le droit de propriété et le droit du travail.
La lutte se poursuit, avec des rencontres, des visages et des amitiés : débats et fêtes à Riom et à Montluçon, «soupe populaire bio», tracts, interventions dans les médias (France 3, La Montagne), etc.
Dévoiler, relier, synchroniser, la marche c'est du sport ! Et, avec partout la mobilisation du NPA Auvergne, un sport collectif !
Pierre Leroux
Le 5 décembre à Lyon : une manifestation porteuse d'espoir
À Lyon, comme à Paris, Rennes, Marseille et Bordeaux, la manifestation de chômeurs, travailleurs, et précaires du 5 décembre dernier marquait à la fois la fin des Marches contre le chômage, les précarités et les licenciements, mais aussi le début d'un espoir de rassemblement large en vue des luttes à venir contre ces injustices sociales.
En effet, malgré la faible mobilisation des allocataires du Pôle Emploi, du RSA, et les personnels victimes de plans de licenciements (tous trop accaparés par leurs propres problèmes pour se mobiliser dans des luttes collectives), l'unité a été de mise entre les militants associatifs, politiques, et syndicaux, composants la coordination locale chargée d'organiser les Marches régionales et la manifestation. Cette dernière eut la forme d'une marche de onze kilomètres, partie du Mas-du-Taureau à Vaulx-en-Velin, pour se rendre à la Bourse du travail de Lyon. Le cortège, d'environ cent cinquante personnes, était coloré, bruyant, et ne passa pas inaperçu. Cette journée a été l'aboutissement de plus de trois mois de travail commun, et la mobilisation des militants d'organisations signataires localement fût un écho positif à nos actions revendicatives de la quinzaine précédente. Suite à nos actions communes avec les travailleurs de Sanofi à Neuville-sur-Saône, et de Renault Trucks à Saint-Priest, des liens forts ont été noués entre travailleurs et privés d'emploi. De même, l'accueil qui nous a été réservé par les différentes communes que nous avons visitées fut chaleureux et nous démontra une solidarité et un soutien bienvenus. La journée la plus significative fut sans doute le jeudi 26 novembre, quand nous avons réalisé un «rallye des précaires» à Vaulx-en-Velin : visite du Pôle Emploi, de la Mission locale, et d'Ingeus1.
Le collectif de lutte qui est né à l'occasion des Marches s'est déjà fait connaître à travers l'agglomération. Nous étions entre 100 et 200 manifestants à défiler à Lyon samedi dernier, nous serons entre 1000 et 20 000 l'année prochaine ! Le NPA s'inscrit logiquement dans cette action collective qui le confirme comme étant un acteur prépondérant dans la lutte contre les précarités et la misère sociale, et dans la lutte pour la justice sociale. Un seul mot d'ordre nous réunit : Solidarité. 1. Entreprise d'accompagnement à l'emploi qui profite de la précarité, en particulier dans les quartiers populaires.
Décontaminations contre la Grippe Précaire
À Paris, Alençon, Angoulème, Lyon, Lisieux, Digne, etc., les militants du NPA et les associations de chômeurs ont empêché la propagation de la plus pernicieuse des pandémies : la Grippe P, ou Grippe Précaire. Armés de masques sanitaires, de combinaisons blanches, de rouleaux de scotch de sécurité et de produits nettoyants, ils ont envahi les Pôle Emploi, les Caf, les Mc Donald’s, et ont procédé à une sécurisation des lieux, des personnes et du matériel.
Attention danger !
Pour 2009, le Bureau international du travail avait notifié officiellement une augmentation de 200 millions de cas d’infection par le virus de la précarité (grippe P), dont 1 million de plus en France. Une phase d’alerte est actuellement en vigueur contre cette pandémie de précarité et de chômage. L’OMS recommande la plus grande vigilance, car le taux de mortalité est proportionnel à l'inégalité des richesses.
Comment se protéger contre la grippe précaire ?
N'attendez rien des institutions, elles sont déjà dépassées. Ne comptez pas sur le RSA, placebo qui multiplie les miettes d’emploi avec travail obligatoire. Prenez soin de bien vous couvrir le nez et la bouche, une cagoule fait l'affaire.
Rejoignez des collectifs de personnes souffrant des mêmes maux, car seuls les remèdes d'ordre collectif et la lutte semblent à même de vaincre la pandémie.
Grève des chômeurs ! (Extraits de l'appel des Cafards de Montreuil)
«Tours en rond, de rendez-vous en rendez-vous, de standards en standards, de formations en formations, allers-retours, de l'intérim au chômage, du temps partiel au RSA, et puis mimer la bonne volonté, la bonne foi, la vraie motivation.
Nous préfèrerions prendre le fric, sans contre-partie. Nous refusons le racket : si tu travailles, tu as du fric, et donc tu peux vivre. Pas tellement parce que nous voulons une société où chacun s'ennuie à ne rien faire. Mais parce qu'à force d'orienter le travail par le fric, celui-ci est souvent devenu plus con que jamais, […] nous voulons d'abord l'argent et puis après on verra. […] Ça peut sembler dingue, mais ça l'est moins que de continuer nos petites débrouilles, que de galérer chacun de notre côté.
Alors quoi ? Il nous faut des situations et des espaces où se rencontrer, où se montrer et exiger beaucoup pour que, chaque fois que nous passons par la case emploi, nous ayons moins peur du chômage et donc de nos patrons pour que, à chaque fois que nous allons à la Caf, à Pôle Emploi, au CCAS ou ailleurs, ils sachent que nous ne demandons pas la charité mais l'argent. Nous voulons imaginer ce que serait une grève des chômeurs, une grève qui dirait, dans un grand rire: donnez-nous l'argent, et arrêtez de nous prendre pour des buses, on voit que votre contrôle et vos radiations, c'est pour nous faire accepter n'importe quoi.»
1er décembre : Occupation d'un Pôle Emploi, rue Kléber à Montreuil
Mardi, 15 heures. On arrive à une trentaine pour occuper le Pôle Emploi de la rue Kléber à Montreuil. On entre, tous les employés s’enferment dans leurs bureaux, puis partent. C’est la consigne de la direction pour ne pas avoir à se confronter aux chômeurs en colère. Comme avec le 3949, ils veulent nous tenir à distance. C’est aussi une façon de monter les allocataires contre les actions collectives d’autres allocataires, mais ça ne marche pas vraiment. Si une ou deux personnes sont furieuses contre nous, une bonne partie des autres soutiennent l’action en cours.
18 heures. On est toujours dans ce Pôle Emploi vide d’employés. Ça bloque donc ! et depuis quelques heures il n’y a plus de radiations ici. Ça nous plaît, ça nous parle, de bloquer cette machine à radier, à se faire exploiter, cette machine qui nous force à travailler, à faire des stages à la con, à raconter ce-qu'-il-faut-comme-il-le faut aux rendez-vous où l'on est obligés d’aller sous peine de perdre les quelques centaines d’euros qu’ils voudraient bien nous donner. Chômeurs, précaires, au RSA, vivant de petits boulots, galérant pour joindre les deux bouts... On cherche des moyens de s'organiser ensemble. Pas facile de faire grève quand on n’a pas de lieu de travail, de lutter quand on est isolé. La question n’est pas la réforme de Pôle Emploi, nous voulons nous organiser contre ce qui nous fait atterrir là, contre la concurrence de tous contre tous sur le marché du travail. Si Pôle Emploi veut nous faire croire qu’il s’agirait d’offrir un emploi stable à tous, nous savons bien qu’il ne fait qu’entériner une situation où nos conditions d’exploitation ne font qu’empirer.
Cette occupation est une tentative pour lutter contre ce qu’on nous impose chaque jour. Pour porter la conflictualité et permettre l’inversion du rapport de forces qui nous est si souvent défavorable quand nous sommes isolés.
Vers 21 heures : Police Emploi portent encore mieux son nom que d’habitude. Les bleus arrivent avec la réquisition de la direction pour nous expulser. Nous décidons de partir de nous-mêmes sans contrôle d’identité.
Au moins on sera plus frais pour l’action du lendemain.
Communiqué des occupants du Pôle Emploi de la rue Kleber.