Publié le Jeudi 2 juillet 2009 à 19h01.

Affaire d'état...

C'est l'histoire d'une vente de trois sous-marins français au Pakistan par la DCN (détenue à 75% par l'Etat et à 25% par Thales) pour 840 millions d'euros environ, le 21 septembre 1994, qui se termine le 8 mai 2002, d'après la thèse que privilégient désormais les juges d'instruction, par un attentat contre des ingénieurs de la DCN à Karachi (Pakistan), faisant quatorze morts.

Selon le rapport «Nautilus», commandé par la DCN à un ex-agent de la DST, l'action terroriste a eu lieu en représailles au non-versement des commissions inhérentes au contrat et devant arroser une série d'officiels pakistanais véreux. L'arrêt des versements aurait été ordonné par Chirac dès son arrivée à l'Elysée, en 1995, afin, selon «Nautilus», d'assécher les réseaux de financement d'Edouard Balladur, des rétro-commissions (dans l'autre sens, de Karachi vers Paris) ayant eu pour but de financer la campagne de l'ex-Premier ministre à la présidentielle. Il est vrai qu'Edouard Balladur, contrairement à Chirac, n'avait pas l'appareil du RPR (ex-UMP) avec lui.

Voilà qui intéresse Nicolas Sarkozy, pour qui tout cela n'est qu'«une fable», à double titre. D'abord, en tant que directeur de campagne d'Edouard Balladur (soutenu par Charles Pasqua…), lui était-il possible de ne rien connaître de son financement? Ensuite, en tant que ministre du Budget à l'époque car, selon un rapport de police révélé par backchich.info, de septembre 2008, la société Heine (chargée avec Eurolux gestion de s'occuper des commissions) aurait été créée avec son aval.

Si l'on ajoute les révélations de Libération, comme quoi des éléments clés n'ont pas été versés au dossier (géré jusqu'il y a quelques mois par Jean-Louis Bruguière, candidat UMP aux législatives de 2007), la fable fleure « bon » l'affaire d'Etat. N'y voyez aucun lien: la toute récente loi de programmation militaire (LPM) comporte un volet sur le secret-défense, pour l'étendre à des lieux (et non plus aux seules missions) dont la liste, «régulièrement actualisée» (article 12 de la LPM), est fixée par le Premier ministre... Autant dire que les perquisitions telles que celle qui a permis de mettre à jour ce «Karachigate» seront quasiment impossibles. C'est en sens inverse qu'il faut aller: interdire le secret-défense, la diplomatie secrète et les exportations d'armes, ainsi que reconvertir l'industrie militaire en industrie civile. 

Thomas Mitch