« Malheureusement, on nie partout le fait que les monstres sont nés enfants innocents et deviennent bestiaux à cause de leur éducation brutale. Ceux qui décapitent leurs victimes ne sont-ils pas des êtres humains, ne sont-ils pas, comme Hitler, devenus des êtres cruels et sans scrupules à la suite de leur enfance ? » C’est ce que déclarait Alice Miller, disparue le 14 avril, à la sortie du film sur les derniers jours d’Hitler, La Chute. Elle a consacré sa vie et ses livres à la dénonciation des mauvais traitements que subissent les enfants et à leurs répercussions sur le comportement de l’adulte. Sa pratique de thérapeute l’avait convaincue que l’enfant n’est pas un « pervers polymorphe » régi par ses pulsions sexuelles ; elle avait donc rompu avec la psychanalyse. Personne avant elle n’avait aussi radicalement mis au jour tout ce que l’incapacité des parents et éducateurs à s’ouvrir inconditionnellement, héritage des peurs et des traumatismes de leur propre enfance, fait subir comme violences à l’enfant : manque de tendresse, négligences, manque de soins, abus sexuels et bien sûr toutes les formes de violence éducative ordinaire, trop souvent considérée comme normale. Son œuvre est à l’origine de l’adoption par 25 pays du monde de législations interdisant toutes les formes de punitions corporelles et d’humiliations. Et en France ? Il est significatif qu’un silence médiatique quasi complet ait entouré la parution de ses derniers livres.