Un coup de froid, et les médias « découvrent » entre les deux réveillons qu’en France, à la veille de 2015, on peut mourir dans la rue. Non de froid mais d’exclusion, de pénurie de logements, d’une misère qui interdit de payer un loyer, de vivre dans un logement décent.
Après la visite d’un centre hébergeant une centaine de personnes en situation précaire, Manuel Valls a osé formuler des « vœux de solidarité et de générosité »... oubliant sa campagne contre les Roms lorsqu’il était ministre de l’Intérieur, oubliant sa politique favorable à ses amis les patrons, oubliant une politique d’austérité, de reculs sociaux qui s’attaque toujours plus aux plus démunis.
Une des plus dramatiques conséquences de cette politique, c’est le décès, dans la rue, chaque année ,de près de 300 personnes, hiver comme été. En France, l’âge moyen de décès des sans-abris est de 48 ans, quand l’espérance de vie moyenne est de plus de 80 ans !
Le froid ne représente qu’une faible part des décès des sans-logis. Si dans près de la moitié des cas, les circonstances sont « inconnues », les causes « externes » (suicides, morts violentes, accidents) représentent environ 20 % des cas connus, la maladie, notamment les cancers, étant également souvent à l’origine de la mort.
Selon la Fondation Abbé Pierre (qui reprend les chiffres de l’Insee), on compte 141 500 personnes sans domicile en France, dont 112 000 sans-abri (les autres se trouvant dans des foyers de demandeurs d’asile ou des résidences sociales), et 3,52 millions de mal-logés. Ce chiffre est en progression de 44 % par rapport à 2001. Deux SDF sur cinq déclarent n’avoir jamais eu de logement personnel. Toujours selon l’Insee, 38 % sont des femmes et plus d’un quart des personnes qui dorment parfois ou toujours dans la rue (26 %) sont accompagnées de leurs enfants, ce qui correspond à 30 000 enfants privés de logement.
Une exigence de dignité... et constitutionnelle !
Dans le même temps, on évalue à plus de 100 000 les logements vacants à Paris et autant de résidences secondaires. Sur l’ensemble du territoire, ce sont plus de 2 millions de logements qui seraient ainsi libres. Et il faut ajouter les millions de mètres carrés de bureaux et locaux vacants, dont certains appartiennent aux collectivités publiques. Et bien entendu la loi sur la réquisition des logements vacants n’est toujours pas appliquée !
Pas étonnant dans ces conditions que chaque jour le 115 soit dans l’incapacité de proposer des hébergements à des dizaines de sans-abri. Les demandeurEs de logements sociaux parisiens, le plus souvent prioritaires DALO 1, sont confrontés à des conditions de vie toujours plus insupportables.
Pour commencer à satisfaire une exigence de dignité mais aussi pour répondre aux exigences de la Constitution, il faut une tout autre politique que celle, révélatrice qui prévaut dans le projet de loi Macron qui a pour objectif, comme l’a réalisé Sarkozy, de favoriser les logements « intermédiaires », trop chers pour la majorité de la population...
Nous devons être partie prenante des mobilisations et manifestations, à l’initiative notamment du DAL, pour exiger la réquisition ou la mobilisation de 100 000 logements vacants ; le relogement de tous les prioritaires DALO ; l’accueil des sans-logi jusqu’au relogement, et, pour les familles, à proximité des écoles des enfants ; l’arrêt des expulsions, la baisse des loyers et des charges ; la taxation de la spéculation ; la réalisation massive de vrais logements sociaux.
Robert Pelletier
1 – On estime à 600 000 le nombre de ménages concernés par « le droit au logement opposable » (DALO), soit 1 700 000 personnes.