Publié le Jeudi 26 mai 2016 à 10h07.

Dans le bras de fer avec le gouvernement, notre carburant, c’est la lutte !

La lutte pour le retrait de la loi travail n’en finit pas de rebondir. C’est déjà un échec pour le gouvernement qui comptait bien, dans la foulée de l’état d’urgence et d’une offensive sécuritaire et autoritaire sans précédent, marquer un point décisif dans la mise à mort du Code du travail...

Il aura tout utilisé, du coup de force institutionnel avec le 49-3 à la répression et aux provocations policières, pour diviser les opposantEs, en passant par les mesures d’exception avec les interdictions individuelles et collectives de manifester... Dès la semaine dernière, il faisait intervenir le Raid contre la Maison du peuple à Rennes et interdisait purement et simplement la manifestation de Nantes de jeudi dernier ! Mais rien n’y fait, la journée du 19 mai en témoigne, la mobilisation demeure. Et maintenant, la seule réponse à la multiplication des blocages des raffineries est l’envoi des forces de « l’ordre » pour dégager les barrages... Avec pour réponse immédiate la généralisation de l’arrêt des raffineries !

Nouvelle phase

Depuis une semaine, les blocages des zones industrielles, et en particulier des dépôts de carburants se multiplient. Face à ce gouvernement qui passe en force, il faut hausser d’un cran la confrontation, bloquer l’économie. En misant sur le tout-camion, le système crée ses propres faiblesses : la production fonctionne en flux tendu pour limiter les stocks, les marchandises sont transportées d’un bout à l’autre de l’Europe pour mettre en concurrence les salariéEs et les système sociaux, mais cette organisation génère une énorme dépendance envers le pétrole. De même, le tout-voiture confère un écho très important à toute menace sur l’approvisionnement en essence.

Là où les blocages sont effectifs – comme en Normandie, en particulier au Havre, avec la présence des dockers et portuaires – ils ont des effets visibles sur l’économie. Fidèle à sa méthode, le gouvernement dégage les piquets par la force. Mais la réponse ne se fait pas attendre, à l’appel principalement de la fédération CGT des industries chimiques et suite aux décisions des AG, les principales raffineries du pays se mettent en grève. Avec la réduction drastique et durable de la production de carburant, un nouveau pas dans l’affrontement est franchi.

Le rapport de forces change. Mais les salariés des raffineries ne peuvent gagner seuls pour tout le monde. En 2010, la droite avait utilisé l’arme de la réquisition contre ceux de la raffinerie de Grandpuits (77), le gouvernement actuel ne vaut pas mieux. Il y a fort à craindre qu’il n’hésite pas plus à bafouer le droit de grève qu’il ne l’a fait pour le droit de manifester. Cette grève est un formidable point d’appui, mais elle ne peut rester isolée, elle a besoin de la protection de l’extension.  Elle doit être un encouragement pour toutes et tous.

Saisir l’occasion !

L’extension, la propagation de la grève à d’autres secteurs, c’est ce que redoute le gouvernement, ce qu’il essaie d’éviter, en tentant de rassurer les routiers sur le paiement des heures supplémentaires ou les cheminots sur la pérennité de leur accord d’entreprise.Le calendrier de l’intersyndicale fixe deux rendez-vous interprofessionnels, une journée de grève et manifestation jeudi 26 mai et une manifestation nationale à Paris le mardi 14 juin, jour du début du débat au Sénat. Depuis le début de ce mouvement, rien n’est écrit d’avance. Dès le 9 mars, la conjonction de la mobilisation de la jeunesse, de la détermination de secteurs syndicaux combatifs, de l’utilisation des réseaux sociaux, a chamboulé le calendrier.

Aujourd’hui, le niveau de la mobilisation n’est pas encore suffisant. On ne retrouve pas les manifestations monstres de 2010, mais dans des entreprises du privé (petites entreprises, commerce, santé...), la mobilisation est réelle et souvent inédite. Dans le même temps, autour de Nuit debout, avec les blocages et les occupations, une frange militante, plurielle, déterminée, est bien décidée à ne pas lâcher l’affaire. Il n’y a pas d’autre choix que de continuer à convaincre de se mettre en mouvement, de faire grève, et de rejoindre les blocages, en alliant radicalité et souci d’élargir.

« La vraie démocratie, elle est ici »...

Le refus de la loi El Khomri est ultra-majoritaire, conséquence d’années et d’années de régressions et de sacrifices imposés. Le gouvernement est plus discrédité que jamais, l’utilisation du 49-3 démontre son incapacité à obtenir les votes des députés de sa propre majorité et ne fait qu’accentuer son illégitimité. Il ne peut diriger qu’en employant la brutalité. « Qui est légitime pour décider ? » Le rapport de forces se joue aussi sur ce terrain politique.Le mouvement social doit trouver les voies et moyens pour approfondir la crise politique, en prenant appui sur le sentiment largement partagé qu’« ils ne nous représentent pas ». Il doit construire une autre légitimité, celle de la rue, des places, des exploitéEs et des oppriméEs mobilisés.

Christine Poupin