Publié le Mercredi 28 mars 2012 à 22h41.

Drames de Toulouse et Montauban : assez de démagogie sécuritaire !

Les récents drames de Toulouse et Montauban poussent à s’interroger sur le contexte politique, social et idéologique qui peut conduire des individus à basculer dans la haine meurtrière.Les meurtres perpétrés à Toulouse et Montauban suscitent une légitime indignation. Rien ne saurait justifier ces actes, et rien ne saurait excuser le geste de Mohamed Merah. Mais doit-on cependant prétendre, comme l’a fait Nicolas Sarkozy, que ces crimes seraient « inexplicables » ?

Car Mohamed Merah n’est malheureusement pas le premier à passer à l’acte. Le 22 juillet dernier, Anders Breivik assassinait 77 personnes à Oslo par haine « du marxisme et de l’islam ». Le 13 décembre, à Florence, Gianluca Casseri, militant d’extrême droite, ouvrait le feu sur des vendeurs ambulants sénégalais : deux morts, trois blessés graves. Fin 2011, une cellule néonazie, coupable de neuf meurtres racistes, était démantelée en Allemagne… Une liste qui témoigne du fait que la rhétorique du « choc des civilisations » n’a pas fini de faire des dégâts. Des individus s’insèrent dans cette vision du monde, et décident de reproduire sur le continent européen, à une plus petite échelle mais avec autant de violence, les « guerres de civilisation » menées contre l’Afghanistan et l’Irak.

Le 27 août 2007, lors de son premier discours de politique étrangère, Sarkozy évoquait le risque « [d’une] confrontation entre l’islam et l’Occident ». Depuis cinq ans, sa politique, à l’étranger comme à l’intérieur, a démontré que ces propos n’étaient pas un dérapage. Les droites et les extrêmes droites européennes ont fait de la stigmatisation de l’autre, et notamment de l’islam et des musulmans, un fonds de commerce : Sarkozy et ses sbires, au premier rang desquels le sinistre Claude Guéant, ont largement participé de ce mouvement. Cette rhétorique agressive a été accompagnée de mesures législatives (interdiction des minarets en Suisse, de la burqa en France, etc.) et a contribué à la libération de la parole raciste et des haines diverses, ainsi qu’à l’accroissement des frustrations et des rancœurs.

La lâcheté, voire la complicité de la gauche institutionnelle, et les conséquences de la crise économique ont favorisé le développement de ce discours de stigmatisation. En désignant des boucs émissaires et en flattant les préjugés xénophobes, droite et extrême droite veulent encourager les divisions au sein du camp des victimes de la crise et empêcher que leur colère ne s’exprime contre les vrais coupables. Lors de son discours à Villepinte, Sarkozy dénonçait ainsi « l’étranger qui vient en France pour le seul attrait de nos prestations sociales et qui ne respecte pas la France ». Et de répéter en boucle ces dernières semaines : « comment demander des sacrifices aux Français si pendant ce temps les immigrés continuent d’entrer sur le territoire avec comme seul objectif de bénéficier de prestations sociales ? »

À cette stigmatisation se sont ajoutés le renforcement de l’arsenal sécuritaire, souvent au nom de la « lutte contre le terrorisme », la banalisation des violences policières, qu’elles soient verbales ou physiques, et une gestion de plus en plus répressive des conflits sociaux. Ce climat de peur, de haine et de violence a progressivement pénétré de plus en plus de sphères de la société. Les terribles dégâts de la crise et la violence sociale généralisée ont approfondi ce phénomène, typique des périodes de crise économique majeure.

Nous l’avons dit : rien ne saurait excuser les récents meurtres. Mais ils s’inscrivent bien dans un contexte social et politique, ce qui rend d’autant plus insupportables les hypocrites appels à « l’union nationale », au « front républicain antiraciste » ou à la défense des « valeurs de la France », a fortiori lorsqu’ils viennent de ceux qui sont responsables de la diffusion de cette culture de haine et de violence. L’instrumentalisation du drame, avec la stigmatisation accrue de l’islam ou la consolidation de dispositifs liberticides (à l’image des premières mesures annoncées par Sarkozy) n’est pas seulement révoltante : elle est dangereuse. Il ne s’agit en effet ni plus ni moins que de renforcer les logiques qui ont déjà conduit certains individus influençables et probablement désaxés à passer à l’acte.

Des sociétés où dominent haine, stigmatisation et violence, engendrent des Mohamed Merah et des Anders Breivik. Pour ne plus vivre de tels drames, il s’agit donc d’en finir avec les politiques qui créent les conditions de ces drames. L’urgence est donc au refus des logiques de divisions artificielles et de fausses unions, en amplifiant le combat antiraciste et anticapitaliste, et en s’en prenant aux véritables fauteurs de guerre, de misère et de haine. 

Julien Salingue