Le week-end dernier à Lyon, le congrès du FN ne révélait pas de véritables enjeux en termes de direction. La présidente était l’unique candidate à sa réélection... et a été en toute logique « élue avec 100 % des voix ». Les orientations ne faisaient l’enjeu d’aucun débat contradictoire : au FN, les choix idéologiques s’effectuent à travers les choix de personnes, mais ne sont jamais discutés ouvertement.
Dans ce contexte, les repères internationaux constituaient un enjeu relativement important de ce congrès. En amont, un débat sur la stratégie internationale avait durement opposé, depuis le mois d’août, Aymeric Chauprade – chef de file des députés FN au Parlement européen – et l’antisémite professionnel Alain Soral. Les positions de ce dernier, se voulant « résistant au Nouvel ordre mondial » et à « l’Empire américano-sioniste », sont plus ou moins partagées par certains cadres du FN, même si Soral est en dehors du parti depuis 2009. Chauprade avait, lui, prôné de s’allier au pouvoir russe et à la droite israélienne « contre l’islamisme » présenté comme l’ennemi principal. Chauprade sort marginalisé de ce congrès : alors qu’une vice-présidence avait été évoquée pour lui, il n’entre finalement dans aucune instance dirigeante.Une partie de la direction du FN était récemment montée au créneau pour demander le vote favorable du FN à l’Assemblée nationale concernant la reconnaissance symbolique d’un État palestinien. Au sein du FN, cette question est évidemment reliée à une autre, cachée, qui consiste à savoir quelle place est donnée à l’antisémitisme par rapport au racisme anti-arabe. Marion Maréchal-Le Pen avait initialement plaidé pour un vote favorable, même si elle a finalement choisi de s’abstenir.Concernant l’alliance avec le pouvoir russe, les choses sont en revanche très claires... Neuf millions d’euros de crédit accordé au FN par une banque russe, il s’agit de tout sauf d’une question apolitique. Si les informations de Mediapart sont exactes, Marine Le Pen avait rencontré Vladimir Poutine lui-même, en février 2014, avant que ce crédit ne soit accordé au parti. Les liens avec le pouvoir russe ont été affichés au grand jour, à l’occasion de ce congrès, puisqu’un vice-président de la Douma, Andreï Issaïev, et le chef adjoint de la Commission des affaires internationales du Sénat russe, Andreï Klimov, étaient présents...
Les deux faces d’une même pièceL’élection au Comité central du FN, instance d’une centaine de membres sans véritable pouvoir de décision, a toujours servi de baromètre pour mesurer la popularité de tel ou tel dirigeant. Marion Maréchal-Le Pen a fait un gros score et a raflé la première place, avec 80 % des voix. Présenté comme son grand rival parce qu’incarnant un positionnement stratégique différent, Florian Philippot a dû se contenter de la quatrième place avec 69 % des suffrages. Ceci n’est cependant pas une déroute, que certainEs avaient espérée ou redoutée. Les deux figures du parti vont ainsi pouvoir continuer leur route...Vu par beaucoup comme un « technocrate », Philippot, 33 ans et au FN depuis seulement trois ans, passe pour un conseiller ayant l’oreille de la présidente, ce qui lui a assuré une fulgurante carrière de vice-président du parti. Il représente une ligne qui mise avant tout sur les sujets économiques et sociaux, sur lesquels le FN doit se substituer à la gauche, pour marginaliser celle-ci et monopoliser l’opposition au libéralisme. Marion Maréchal-Le Pen fait partie de celles et de ceux qui pensent que « ça commence à faire beaucoup » en termes de discours social (voire « socialisant » à leurs yeux), et qu’il ne faut pas négliger les intérêts du petit patronat, ainsi que le combat autour des « valeurs », notamment celles opposées au mariage homosexuel.
Bertold du Ryon