Les « Pandora Papers » ont de nouveau mis en évidence le scandale de la fraude et de l’évasion fiscales des plus riches et plus puissants de ce monde. Une fois encore, cela montre l’ampleur systémique de ce phénomène. Et à chaque nouveau scandale, nos dirigeants, « la main sur le cœur » voire « les yeux dans les yeux », nous promettent d’être intransigeants face aux fraudeurs… Et pendant ce temps les inégalités se creusent !
Une nouvelle enquête du Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) a révélé, une nouvelle fois, l’ampleur de la fraude et de l’évasion fiscale. Cette fois-ci ce sont 336 dirigeants et responsables politiques (et pas des moindres) qui ont utilisé toutes les ficelles possibles avec l’aide de banquiers, de financiers et d’avocats fiscalistes pour planquer leur magot et s’enrichir en se soustrayant à l’impôt. Les gros fraudeurs du moment : sept présidents, quatre Premiers ministres, un ex-dirigeant du FMI et des centaines de responsables politiques. Les mêmes qui ont prétendu lutter contre l’évasion fiscale, le blanchiment d’argent ou la corruption. Les mêmes qui réclament à la population des efforts toujours plus importants et qui imposent l’austérité.
Après les scandales d’évasion et de fraude fiscales comme Luxleaks, Panama Papers, Paradise Papers ou OpenLux, les dirigeants politiques y compris ceux qui sont aujourd’hui épinglés avaient promis d’éradiquer les paradis fiscaux. Force est de constater avec les Pandora Papers que ce n’est pas le cas et qu’au contraire les paradis fiscaux sont en pleine expansion. Fini ou presque les Caraïbes, le Luxembourg ou l’Amérique centrale, ce sont désormais les États-Unis qui font figure de plus grand « paradis financier du monde » comme le souligne le journal The Atlantic. Cela n’est pas nouveau, un certain nombre d’États comme le Nevada, le Wyoming ou le Delaware – dont le sénateur était jusqu’à récemment un certain Joe Biden – sont connus pour être des lieux de domiciliation « accueillants » pour des des sociétés écrans anonymes. Mais désormais, c’est le Dakota du Sud qui semble être un abri de choix avec des millions de dollars transférés depuis les Caraïbes et l’Europe.
Des mots, toujours des mots
Bruno Le Maire nous promet une nouvelle fois d’être « intraitable avec ceux qui ont triché avec le fisc français » et annonce la mise en place « d’une task force composée du parquet national financier et de la direction générale des Finances publiques » pour « rechercher les contribuables qui ont triché ». Des lois, des accords peuvent faire croire également que la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales est une priorité. C’est le cas par exemple de l’accord sur la fiscalité mondiale approuvé par 136 pays le 8 octobre dernier et qui a été présenté comme « historique ». Pour Bruno Le Maire, c’est même « une révolution fiscale » qui permettrait de faire enfin en sorte que les multinationales, notamment les GAFAM, « paient leur juste part d’impôt ». Rappelons tout de même que cet accord ne concernera qu’une centaine de multinationales et ne portera que sur 25 % de leurs bénéfices. De plus, cet « impôt mondial » aura un taux fixe de 15 % et non plus d’au moins 15 %, ce qui permettait de le faire évoluer à la hausse. Et la première conséquence de cette « révolution fiscale » c’est que les multinationales qui y seront assujetties seront officiellement moins imposés que les PME, puisque, au plan mondial, le taux mondial d’imposition se situe à 22 %. Ce qui risque de faire encore baisser les impôts sur l’ensemble des entreprises au nom de l’équité.
Une fois encore, cela ne servira pas à éradiquer ce qui fait système. En effet, tout est fait pour que la fraude continue et se développe, la financiarisation de l’économie ouvrant toujours plus de possibilités aux fraudeurs. Sans oublier que depuis des décennies, les différents gouvernements en France, comme un peu partout dans le monde, n’ont eu de cesse d’assouplir les règles et les contrôles publics (en détruisant, entre autres, des centaines de milliers d’emplois aux Finances publiques) ce qui a démultiplié les possibilités de fraudes.
Des conséquences désastreuses pour la majorité de la population
La fraude et l’évasion fiscales coûtent aux gouvernements du monde entier 427 milliards de dollars chaque année. Les pays à faibles revenus sont proportionnellement les plus durement touchés. Et pendant ce temps-là, on nous assène, à coups de contre-vérités, qu’il manque de l’argent dans les caisses de l’État. Il faut donc nous faire travailler plus longtemps, baisser les pensions de retraite, les allocations chômage, licencier, supprimer des emplois, détruire les services publics, ne surtout pas augmenter les salaires… Face à ces phénomènes de fraude et d’évasion, il faudrait tout d’abord de véritables outils législatifs avec de véritables sanctions. En effet, les fraudeurs fiscaux devraient être sanctionnés par des peines qui correspondent aux sommes détournées pour mettre fin au scandale qui punit plus le voleur de moto ou la caissière que celui qui détourne des millions (et ses complices). Pour combattre ces pratiques, il faudrait une tout autre politique qui augmenterait les emplois des agentEs en particulier aux finances publiques, supprimerait le secret bancaire, permettrait l’ouverture des comptes… Bref, une politique qui s’attaquerait à la propriété privée, à la puissance des plus riches. Ce nouveau scandale montre qu’il y a urgence à aller rechercher ce qui nous appartient .